Par Diane
Vingtenaires, vingtenairettes, jeunes, vieux, lecteurs chéris mon amour
Je vous écris car hier soir, j’ai eu le coeur qui a grincé. Voyez-vous, ce gros week end de Pâques, contrairement à mes habitudes, je l’ai passé en tête à tête avec moi-même, et en grande partie chez moi. Et Il m’est arrivé quelque chose d’inattendu. D’étrangement inattendu d’ailleurs pour une chose si banale.
Le silence.
Non pas le silence de quelques minutes qu’on expérimente tous au quotidien en rentrant chez soi. Ce silence là, il est factice, puisque très vite rempli par du son (télévision, musique, téléphone, lave vaisselle) ou de l’activité (copies à corriger, série télé à regarder, livre à lire…). C’est un petit silence, un silence occupé par l’esprit du quotidien, du présent, du tout de suite.
Le silence dont je parle est autre. C’est un silence oppressant, presque assourdissant. Qui appuie sur les oreilles et les épaules et vous force à vous écouter penser.
Il me rappelle cet été de mon adolescence où j’avais fait de la spéléologie. Le moniteur, une fois au fond de la grotte, nous avait invités à éteindre nos lumières et à nous taire, afin de pouvoir expérimenter ce qu’il appelait « le silence et le noir absolus ». Eh bien ce silence là ressemble à celui d’une grotte. Il enveloppe.
Et il m’éloigne du présent dans lequel je passe mes journées, ce présent sûrement trop rapide où, finalement, je ne prends pas le temps. Où je remplis les silences.
Au risque de paraître un peu mamie réac’, peut-être notre société moderne où règne le divertissement en tous genres n’est-elle au final pas aussi propice à la culture de l’esprit qu’on pourrait le penser. Cette surabondance de livres, de chaines de télé, de magazines, cette vertigineuse montagne de savoir qu’est internet…peut-être ne font -elles qu’occuper l’esprit. Qu’empiler des choses sur le bureau pour ne pas avoir à aller fureter au fond des tiroirs.
J’ai la désagréable sensation que tout ce remugle encyclopédique est là à la fois pour m’apprendre à penser et m’empêcher de le faire.
Quoi qu’il en soit je suis là, soumise à cet étourdissant silence, et je sens ce petit nuage gris trotter insidieusement jusqu’à mes circonvolutions neuronales. Oh je le connais celui-là. Il réapparait régulièrement dans les moments de silence, et dans les moments de parole aussi parfois. De vrai parole je veux dire, de celle qui a du sens, où l’on réfléchit à ce que l’on va dire avant d’ouvrir la bouche.
Je ne saurais dire si ce petit nuage est amical -c’est sans doute pour cela que je lui ai donné la couleur grise: car il n’est ni blanc ni noir.
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été nostalgique. J’ai toujours aimé regarder les photos, les vidéos, écouter et évoquer les anecdotes de mon passé. Et je n’ai jamais su faire cela sans un petit grincement de cœur. Le grincement de la porte qui s’est refermée sur les choses perdues. Aujourd’hui même où je me sens bien dans tous les aspects de ma vie, je ne parviens pas à penser au passé sans sentir s’immiscer dans ces souvenirs une pesante mélancolie. Je n’ai jamais vraiment dissocié la nostalgie de la mélancolie d’ailleurs, il me semblent quasi-synonymes.
A quoi cela peut-il bien être dû? Est-ce inévitable? Y aurait-il un gène de la nostalgie auquel je serais irrémédiablement soumise? Est-ce de l’inné? De l’acquis? Puis-je y changer quelque chose?
Je me suis demandée si cela pouvait être un syndrome de la « petite dernière » trop couvée qui voit dans le passé l’insouciance qu’elle a dû petit à petit abandonner au profit des écrasantes responsabilités du monde adulte…. Un banal et pathétique syndrome « Peter Pan », en somme?
Peut-être. Et peut-être tout le monde pense t-il de même et n’ose pas le dire. ……non?
« Avec le temps va tout s’en va »: Comment peut-on ne pas voir qu’une année passée est une année de moins qu’il nous reste à vivre? Tous ces gens qui ont « Carpe diem » tatoué derrière la nuque ou dans le bas du dos parviennent-ils vraiment à faire fi de l’irrémédiable et à penser réellement « bon bah le passé c’est le passé on ne peut revenir en arrière donc on s’en fiche vivons l’instant présent sans songer à ce que nous avons perdu »?; ou alors ne seraient-ils qu’une bande de fieffés imposteurs?
Je crains de ne jamais être en paix avec le temps qui passe.
http://www.deezer.com/music/track/275069
« Avec le temps…
Avec le temps, va, tout s’en va
On oublie les passions et l’on oublie les voix
Qui vous disaient tout bas les mots des pauvres gens
Ne rentre pas trop tard, surtout ne prends pas froid
Avec le temps…
Avec le temps, va, tout s’en va
Et l’on se sent blanchi comme un cheval fourbu
Et l’on se sent glacé dans un lit de hasard
Et l’on se sent tout seul peut-être mais peinard
Et l’on se sent floué par les années perdues
Alors vraiment
Avec le temps on n’aime plus. »
Léo Ferré