Par Lucas
Happiness
More or less
It’s just a change in me:
Something in my liberty…
Comme le disait si bien Richard Ashcroft il y a 12 ans… (Purée, 12 ans.)
(gueule de chien battu…)
Pour ouvrir Lucky Man dans une fenêtre annexe et lire cette bafouille en musique, il suffit de cliquer sur cette longue phrase. (Vous revenez après, hein ? Promis ?)
Peut-on être agnostique et croire que telle ou telle personne a « toujours de la chance » ?
C’est la question que je me suis posée vendredi soir après un intermède iconoclaste et étonnant dans ma vie prévisible et terne.
Sur les coups de 20h00, alors que je lisais Le Monde.fr en dégustant mon saumon à l’anis de célibataire, mon téléphone s’est manifesté.
– Bonsoir. Je voudrais parler à Lucas d’Amore.
– Oui c’est moi. (nb : je ne suis pas Louis XVI, je ne réponds pas : « Lui même »).
– Je viens de trouver votre portefeuille dans la rue au beau milieu de la RN 13.
– Ah ?!
– Avec 60 € dedans et votre permis de conduire à l’adresse de vos parents qui sont manifestement en liste rouge…
– Ah ?!
– Bon, si voulez le récupérer, on habite au…
Alors je ne sais pas pour vous,
J’ai peut-être été bercé dans une culture du « les gens sont des méchants » mais…
Quelles chances y avait-il que la personne soit honnête ?
Quelle chance y avait-il qu’en l’absence de numéro de téléphone cette mère de famille fasse l’effort d’aller sur Internet ?
Quelle chance y avait-il qu’elle utilise Yahoo qui classe mon CV en première réponse quand on tape « Lucas d’Amore » au lieu de Gogol qui classifie le même CV à la 45ème réponse pertinente (oh le méchant) ?
Je pensais donc à tout ça en retour-piétonnant vers chez moi avec mon trésor dans la poche.
Et je suis allé plus loin.
Parce que dans la vie j’ai été un sacré veinard, faut dire c’qui est…
Quelle chance y avait-il que je ne sois pas avec elle le jour où ma mère a eu son accident mortel il y a 20 ans ?
Quelle chance y avait-il que je n’ai jamais de pépins quand j’étais seul en voiture en faisant, pendant 2 ans, un Paris – Reims (190 km) en une heure et demie, porte à porte ?
Quelle chance y avait-il que je sorte vivant et indemne d’un choc contre un arbre à 100 km/h devant Roland Garros il y a 2 ans ?
Quelle chance y avait-il que je n’ai aucune séquelle après les deux agressions que j’ai subies en un an ?
Quelle chance avons-nous désormais de voir Marco continuer à passer 15h par jour sur Facebook maintenant qu’il est casé et qu’il ne va plus l’utiliser comme un Meetic Like ?
Tiens tant que j’y suis quelle chance avais-je d’être accepté par Marie-Raoulette une copine de Marco au sourire 10000 watt?
Quelle chance avons nous que les deux dernières questions n’aient rien à voir avec le sujet et soient un peu égarées ?
Bref…
Laissez-moi continuer et être un brin incohérent…
J’ai toujours pensé, aidé en cela par des parents soufflant l’esprit, que la chance n’existe pas, que le hasard n’est pas une fatalité, que la chance il faut savoir la provoquer puis la saisir.
D’ailleurs, j’adore le fait que, pour les anglophones, le mot « chance » veuille dire « possibilité ». C’est tellement plus honnête. Ca remplace le hasard, bon ou mauvais, par une possibilité, neutre.
Là où on est passif devant le hasard, la possibilité pousse à choisir, à prendre parti.
Et ça, ça change tout.
Chacun sa route, Chacun son chemin, Chacun son rêve, Chacun son…
C’est un peu facile, à mes yeux, d’asséner qu’on a eu de la chance.
Je me suis donc engueulé intérieurement en rentrant chez moi.
Non, mais oh, sérieux, quoi…
Je me refuse de croire à un destin car croire au destin c’est tuer le libre arbitre.
La vie on se la façonne et il n’y a pas de Dieu, de force occulte, de truc qui décide que Lucas d’Amore va aujourd’hui se prendre une grosse mandale ou tomber sur une fille canon dans le tromé.
Croire au destin c’est perdre toute humanité, se complaire dans une facilité détestable.
Et plus que la fatalité (ce qui a un caractère inéluctable) ce qui est méprisable et gerbant c’est le fatalisme (« la croyance en la détermination des événements par des causes indépendantes de la volonté humaine »)
On a qu’une seule vie,
à mener sans être emmené,
à croquer sans craquer,
à jouer enjoué sans être joué…
Je refuse donc de me croire chanceux éternel.
Mais là vous serez les premiers à lâcher ce poncif :
« d’toute façon la roue tourne, toi aussi tu auras ta part de merde, t’inquiète pas »
Je conchie également ce genre de remarques où le déterminisme est encore religion et j’emmerde royalement les esprits faibles qui se complaisent dans cette mouise intellectuelle, cette nonchalance placide, ce leitmotiv du » d’toute façon ça devait arriver » !!
Comme disait mon prof d’anglais en prép sc po, « elle a bon dos la fatalité ».
Argh ! Perso je m’y refuse.ou tout du moins j’essaye au maximum.
Cette passivité m’exaspère au plus haut point.
Ça me rappelle un sujet de Conférence Berryer.
Ce sujet c’était : « La fatalité est-elle le destin des gens résignés ? »
Purée, si j’avais été à la barre ce jours là, ce que j’aurais été virulent !!
Allez, je vous laisse avec cette citation d’Albert, une citation qui est aussi ma devise.
« Il vient toujours un temps où il faut choisir entre la contemplation et l’action. Cela s’appelle devenir un homme. Ces déchirements sont affreux. Mais pour un cœur fier, il ne peut y avoir de milieu. »
Est ce de la chance d’apprendre les sujets d’examens qui tombent la veille de partiels? D’avoir des voisins qui ont bossé et qui par la même occasion ont la gentillesse de vous donner les réponses manquantes? De recontacter après un an et demi un homme de 15 ans votre aîné et de le mettre enfin dans votre lit (ou plutôt vous de rentrer dans le sien)? de perdre son agenda et de recevoir un appel d’un mec qu’on ne connaît pas et qui souhaite vous le rendre parce qu’il l’a trouvé?
Avec un peu de bon sens, on ne parlerait de pas de chance. Mais pourquoi donc?
D’abord parce que les sujets d’un partiels sont souvent très classiques, qu’ils mettent l’accent sur les choses importantes (si tant est que les profs qui les élaborent soient un minimum intellignets) et qu’il est donc potentiellement facile de faire le tri lorsuq’on est en retard. ENsuite parce qu’en médecine, il y a nécessairement plus de gens qui bossent que de gens qui ne foutent rien, et il est donc plus probable d’avoir un voisin de table compétent qu’un ignard qui compte sur vous. Enfin, parce que lorsque vous remplissez dans votre agenda la partie concernant vos coordonnées, une personne un tant soit peu honnête ira regarder qui est le propriétaire et vous le rendra.
Si l’on prend maintenant le problème dans l’autre sens : ai-je eu véritablement de la chance que mon ex réponde à mon mail après un an et demi alors qu’au final ce mec s’est comporté comment un connard? I
Il ne s’agit pas tellement de chances, mais de prises de décisions, en fonction d’un contexte précis, avec des données précises en main et un objectif précis à atteindre.
AU final je pense qu’on ne peut pas parler de chance, et que si tant est qu’elle existe, elle est trop dépendante de la volonté des autres (cf mon connard d’ex).
Lucas, j’aime bien ta façon de penser!
La fatalité, le fatalisme, c’est une sorte de religion qui dit que les choses sont comme elles devaient être et qu’on n’y peut rien faire.
Et comme toute religion, elle n’a d’existence que par la foi de celui qui y croit.
Comme dirait la gonzesse de Jean Paul, « la fatalité triomphe dès que l’on croit en elle ».
C’est une excuse de plus pour ceux qui trouvent que la responsabilité d’être Homme pèse un peu trop lourd sur les épaules et sur la conscience. La fatalité enlève à l’homme sa volonté, son libre arbitre, ses responsabilités et cette sensation aussi grisante qu’angoissante de tenir sa vie entre ses mains.
La fatalité, c »est l’excuse des âmes faibles et peureuses.
Pour illustration, un petit extrait de « Jacques le fataliste » (Diderot)
JACQUES.
Ce que vous m’objectez là m’a plus d’une fois chiffonné la cervelle ; mais avec tout cela, malgré que j’en aie, j’en reviens toujours au mot de mon capitaine : Tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas est écrit là-haut. Savez-vous, monsieur, quelque moyen d’effacer cette écriture ? Puis-je n’être pas moi ? Et étant moi, puis-je faire autrement que moi ? Puis-je être moi en un autre ? Et depuis que je suis au monde, y a-t-il eu un seul instant où cela n’ait été vrai ? Prêchez tant qu’il vous plaira, vos raisons seront peut-être bonnes ; mais s’il est écrit en moi ou là-haut que je les trouverai mauvaises, que voulez-vous que j’y fasse ?
LE MAÎTRE.
Je rêve à une chose : c’est si ton bienfaiteur eût été cocu parce qu’il était écrit là-haut ; ou si cela était écrit là-haut parce que tu ferais cocu ton bienfaiteur ?
JACQUES.
Tous les deux étaient écrits l’un à côté de l’autre. Tout a été écrit à la fois. C’est comme un grand rouleau qu’on déploie petit à petit…
[….]
LE MAÎTRE.
Mais il me semble que je sens au dedans de moi-même que je suis libre, comme je sens que je pense.
JACQUES.
Mon capitaine disait : « Oui, à présent que vous ne voulez rien, mais veuillez-vous précipiter de votre cheval ? »
LE MAÎTRE.
Eh bien ! je me précipiterai.
JACQUES.
Gaiement, sans répugnance, sans effort, comme lorsqu’il vous plaît d’en descendre à la porte d’une auberge ?
LE MAÎTRE.
Pas tout à fait ; mais qu’importe, pourvu que je me précipite, et que je prouve[40] que je suis libre ?
JACQUES.
Mon capitaine disait : « Quoi ! vous ne voyez pas que sans ma contradiction il ne vous serait jamais venu en fantaisie de vous rompre le cou ? C’est donc moi qui vous prends par le pied, et qui vous jette hors de selle. Si votre chute prouve quelque chose, ce n’est donc pas que vous soyez libre, mais que vous êtes fou. » Mon capitaine disait encore que la jouissance d’une liberté qui pourrait s’exercer sans motif serait le vrai caractère d’un maniaque.
LE MAÎTRE.
Cela est trop fort pour moi ; mais, en dépit de ton capitaine et de toi, je croirai que je veux quand je veux.
JACQUES.
Mais si vous êtes et si vous avez toujours été le maître de vouloir, que ne voulez-vous à présent aimer une guenon ; et que n’avez-vous cessé d’aimer Agathe toutes les fois que vous l’avez voulu ? Mon maître, on passe les trois quarts de sa vie à vouloir, sans faire.
LE MAÎTRE.
Il est vrai.
JACQUES.
Et à faire sans vouloir. [ page ]
LE MAÎTRE.
Tu me démontreras celui-ci ?
JACQUES.
Si vous y consentez.
LE MAÎTRE.
J’y consens.
JACQUES.
Cela se fera, et parlons d’autre chose…