Entretien, acte 2

Souvenez-vous, la semaine dernière, nous étions en entretien. Après avoir tout préparé, nous voici devant M. le recruteur, prêt à démarrer cette joute orale qui nous donnera un emploi… Ou pas.


En général, ça se passe toujours de la même façon : le recruteur pose notre CV sous son nez et nous demande de nous présenter. Et c’est parti pour un récit de vie non exhaustif, allons à l’essentiel. Les vacances chez mamie en 1990, par exemple, on va s’en passer, bien sûr. Comme je suis une fille organisée dans ma tête, je fais par étape. D’abord les études. Le recruteur a beau avoir mon CV sous son nez, faut que je détaille. Pourquoi donc ai-je ce parcours, pourquoi ai-je choisi de faire histoire pour commencer ? Bon, je parle pas de mon choix de la série au bac parce que c’est un peu dépassé et qu’expliquer que le journalisme, c’est la voie depuis mes 15 ans, ça fait un peu « non mais c’est un choix de vie, vous savez, je voulais faire ça avant même de marcher ! ». Bon, inutile de trop rentrer dans les détails, expliquer que les cours sur l’Orient hellénistique dans la période antique, c’était bien sympa, ça ne fait pas avancer le schmiblick.

Après les diplômes, parlons des expériences professionnelles. Evidemment, en début de carrière, les expériences professionnelles, ça veut dire les stages, pour l’essentiel. Le but, là, est de tout valoriser. Je décris mes missions, book à l’appui pour montrer un peu ce que j’ai fait. Pour ma part, les stages pourris genre celui que j’ai fait en été 2005 dans une cave où j’ai quasi rien écrit, je l’ai même pas mis dans le CV pour éviter d’avoir à en parler. De toute façon, à cette période là, j’étais déjà pigiste pour un webzine pour lequel j’ai écrit deux ans donc inutile de tendre un bâton pour se faire battre. Donc voilà, on passe sous silence les côtés négatifs sauf s’ils peuvent servir à notre cause. Par exemple, si vous avez un un dossier sensible à traiter durant votre stage parce qu’on sait jamais, ça peut arriver, ne pas hésiter à le mettre en avant « oui, ça n’a pas été facile, j’ai dû prendre sur moi mais à l’arrivée, j’ai triomphé ». Blablabla. Oui, il faut comprendre que l’entretien, c’est comme un premier rendez-vous amoureux,on évite de trop parler de ses défauts.

Les défauts, parlons en. Les recruteurs sont joueurs, ils adorent nous poser des questions comme par exemple « quels sont, à votre avis, vos principales qualités et vos principaux défauts ? ». Pour les qualités, c’est facile, il suffit de reprendre les qualités demandées dans l’annonce et hop. Pour les défauts, par contre, bonjour la tarte à la crème. En général, on sort le lénifiant « perfectionniste ». Non mais sans déconner, ils attendent quoi « Bon, alors, moi, le matin, j’arrive pas à me lever alors m’attendez pas avant 10 heures, quoi ! » ou comme m’a dit un pote un jour « de temps en temps, je vais aux toilettes me fumer un joint ! ». J’avais envie de dire un jour « je fais mal le café » mais faut que le mec en fasse ait un humour solide… Et bon, quand on cherche un boulot, on préfère ne pas trop se griller.

Une fois que je lui ai raconté à quel point j’étais merveilleuse et compagnie, à lui de parler, de me présenter le poste. En bonne candidate que je suis, je prends des notes. Elles me serviront pas forcément mais c’est pour montrer que je suis vivement intéressée, que j’écoute bien ce qu’on me dit. Je n’hésite pas à prendre la parole au besoin, à bien faire remarquer que j’ai fait des recherches sur la boîte et que je sais tout à fait de quoi on parle. Oui, je préfère ne pas me la jouer passive, docile qui écoute, il faut de l’interactivité : poser des questions, s’intéresser, sans pour autant couper la parole, bien entendu ! Non parce que le recruteur, il n’a pas non plus envie de se répéter 150 fois, c’est normal.

Arrive le moment délicat que je déteste : les points pratiques et notamment le salaire. Parce que je ne sais jamais combien il est raisonnable de demander et comme une idiote que je suis, j’ai un peu tendance à demander bas, ce qui n’est pas forcément une bonne idée. Ca veut dire que j’ai une basse opinion de moi et que je n’ai pas forcément conscience de la réalité du marché. Demander trop haut n’est pas mieux non plus, même si c’est dans le but de négocier. Surtout qu’il y a tellement de facteurs à prendre en compte : mes diplômes, mes expériences professionnelles, même mon âge. C’est un vrai casse tête mathématique.

Maintenant, la sortie. Une fois l’entretien terminé, attendons un peu avant de se relâcher. Serrons la main du monsieur en souriant, en demandant quand on aura des nouvelles et on part digne. Une fois hors de vue du recruteur, là, on peut appeler sa maman, sa sœur, son chéri, n’importe qui pour tout raconter. Mais pas avant !

8 réflexions sur “Entretien, acte 2

  1. Très bonne synthèse !:-) Je rajouterais juste qu’il est toujours bien perçu d’envoyer ensuite un petit mot au recruteur pour le remercier de vous avoir reçu et réaffirmer par la même occasion votre motivation pour le poste. Si bien sûr, vous êtes toujours intéressée…

  2. Et tout ça est matiné d’une hypocrisie latente, d’un discours blindé d’expressions toutes faites, de sourires convenus. J’execre cet exercice, je ne supporte pas d’être ds un bureau pour aconter en termes choisis à quel point je dechire. Tout n’est qu’artifices, du sourire du recruteur jusqu’à nos réponses calculées. J’abhorrre ces moments et je n’ai qu’une envie c’est de crier au recruteur « Mais vas y quoi ! Pete un coup, prends une biere et parle moi français sans tourner autour du pôt !! »

    Voila ct la minute petage de cable de Lucas.

  3. Bah quand tu te pointes avec une heure de retard, trempé que t’as seulement téléphoné 20 minutes plus tôt pour demander la direction, là je crois qu’on peut se lâcher, sur un malentendu on sait jamais…
    C’est clair que quand on te demande où tu te vois dans 5 ans et que t’as une furieuse envie de répondre « je sais déjà pas où je serai dans 6 mois ». Faut se mordre la langue bien fort pour sortir un truc faux-cul.

  4. 🙂 Dans la catégorie « j’ai des trucs à passer sous silence dans mon CV », j’ai fait fort…

    Pourquoi cacher, lorsque on veut revenir dans la com et montrer qu’on a une idée du multimédia, qu’on a travaillé sur un website (oui, j’aime bien le mot websaïte)?
    Quand le site en question était un site érotique, et que devant Monsieur Travail, j’ai pas trop envie d’expliquer ce que je gérais (« j’ai ouvert le forum sur l’orgasme au masculin, j’ai bien organisé le projet, il était autant visité que celui sur le sexe oral »), ni de voir s’allumer dans ses yeux une flamme lubrique berk berk.
    Comme quoi, il y meme des boulets à ce niveau là… :'(

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