Par Diane
Attention mesdames et messieurs dans un instant…..
(normalement, si vous n’êtes pas trop jeune, votre cerveau a du automatiquement répondre: « ça va commencer! »)
Vingtenaires, vingtenairettes, j’ai à vous parler aujourd’hui d’un sujet j’oserais dire sérieux, si je ne craignais l’antithèse. La fête. La teuf. La chouille. La nouba et tutti quanti.
Nous vivons une époque étrange, chers lecteurs. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a quelques jours se tenait un peu partout dans nos immeubles une « fête des voisins » (qui soit dit en passant fêtait ses 10 ans, c’est pas formidable ça?).
Dans l’idée: mettons des tables, faisons à bouffer, mangeons, discutons, faisons faire à nos moutards des dessins pour qu’ils en foutent partout dans les couloirs de l’immeuble. Bref, a priori, pas une mauvaise idée en soi.
Cependant, je n’ai pas eu la moindre demi velléité de m’y rendre et j’ai préféré je l’avoue la compagnie de mon canapé et d’un bouquin. Peut-être n’étais je pas frétillante d’envie de rencontrer les sales mômes qui hurlent et m’empêchent de dormir tous les matins à 6h du mat, ou les atrophiés du bulbe qui prennent les couloirs et l’ascenseur de mon immeuble pour une décharge publique, certes.
Mais il est aussi possible après réflexion que mon manque d’enthousiasme soit dû à autre chose. I’m full.
Je crois que je suis en overdose de festivités.
Sérieusement, posez votre verre de champagne, enlevez le chapeau fluo de votre tête et pensez y deux minutes. Partout où l’on pose les yeux: panneaux urbains, télé, journaux, pubs….. elle est là. Love parade, techno parade,Mickey parade, fête de la seine, fête des voisins, fête du slip, fête de la musique, du théâtre, du cinéma, des philatélistes lapons et numismates auvergnats, les
journées du patrimoine, le centenaire de l’aéro club de Juvisy, l’anniversaire de la naissance du frère de Rock Voisine, les 40 ans de Voici (dl’a merde), les 50 de Voila (du vent), festival des arts de la rue, de la danse portoricaine ou fête à neu-neu, la foire au vin et à la merguez… Le monde est en train de se transformer en orgie géante. Il fut un temps où l’ordinaire de l’homme était le travail ponctué de quelques fêtes ici et là, et j’ai l’impression que cette tendance est en train de se retourner, et fait de la fête l’ordinaire de l’homme du XXIème siècle.
Le champagne, tiens. J’ai souvenir que dans ma prime enfance, c’était la boisson « fête », et qu’on buvait du champagne une ou deux fois par an, dans les jolies flutes pour rendre ça officiel. Eh bien étant à la moitié de l’année, j’ai déjà dû voir circuler une soixantaine de bouteilles devant mes yeux depuis janvier! Dès que je dine quelque part, « champagne! »
Et je vois arriver avec une angoisse certaine cet événement qu’on ne se lasse pas de qualifier de « pluriculturel, intergénérationnel, fédérateur et unificateur » et qui personnellement me file la gerbe: cette orgie festive qu’est la coupe du monde de football. Rien ne plus éloquent comme exemple. Souvenez vous la folie furieuse, l’extase absolue qui s’est emparée de toute la france en 98
(date tellement évocatrice qu’il n’est même pas nécessaire de préciser à quoi l’on fait référence…). ça gueulait dans tous les sens, le pays entier s’était peinturluré les joues en tricolore et arborait le drapeau « travail famille football » aux fenêtres en clamant sa fierté d’être français, au point que la date du 12 juillet a littéralement pulvérisé dans les esprits celle du 14 juillet, la bastille ne faisant pas le poids face au stade de saint-Denis.
Les journalistes sportifs s’étaient alors gargarisés en évoquant le triomphe de l’esprit sportif, de l’universalité du football, alors qu’il est plus que certain qu’ils devaient être au plus 2 % à s’intéresser au sport. La fête, ça fête la fête, et puis basta, qu’importe le support. Nombres de femmes se sont en 98 tout d’un coup passionnées pour le football le temps d’une coupe du monde
pour bien vite revenir sur la terre ferme une fois l’extase retombée.
Et pourquoi alors cette superposition, ce gavage de festivités à n’en plus finir? Est ce que ça nous tiendrait pas occupés pendant que les gens sérieux nous pondent des grosses conneries de réformes qu’on est trop fatigués option gueule de bois pour aller gueuler contre après? (syntaxiquement sublime, cette phrase, non?) Est ce que ça nous ferait pas regarder ailleurs? La fête est
une belle façon de détourner le regard, d’endormir sous l’ivresse et d’empêcher de réfléchir ceux qui pourraient s’opposer, elle est l’aboutissement concret et digéré de la non-pensée, du laisser aller des neurones. Il n’y a qu’à se baisser pour en ramasser, la rue dégueule de cotillons et de ballons de baudruche qui nous attirent le nez en l’air pour ne pas voir qu’on marche dans la
merde.
Tiens, une petite citation de Bernanos, ça fait jamais de mal: « L’affreux instrument d’abêtissement égalitaire, d’universel nivellement de l’esprit que sont les propagandes, multiplie les idées simplistes aux dépens des idées simples, les deux termes n’étant pas plus synonymes que ceux d’infantile et d’enfantin. Hélas! tout le diabolisme du monde moderne est infantile et simpliste à faire crever de rire les Mauvais Anges. La civilisation Mécanique finira par promener autour de la terre, dans un fauteuil roulant, une humanité gâteuse et baveuse, retombée en enfance et torchée par des robots. »
Bref, c’est bien joli les ballons, mais j’ai l’impression qu’on s’enfonce sérieusement et de plus en plus dans quelque chose qui sent vraiment pas bon.
p.s: Sources> un bouquin d’un monsieur qu’il s’appelle Philippe Muray et qui décrit tout cela en verve et en couleurs.
C’est plaisant de te relire ici bas, chère Diane. Pour réagir sur ton article, on est effectivement rentré de plein pied dans l’ère de la festivité customisée. Du sur-mesure pour chacun, en réponse aux derniers sondages ou en fonction du placement de produit. M’étonnerait pas qu’on voit pondre d’ici peu un truc en réaction aux trop fameux « apéros géants ». Ben, oui c’est con que facebook soit le seul à manger dessus.
Bref, ce qui m’agace dans tout ça (enfin moyennement, en fait je m’en fous pas mal) c’est le manque de spontanéité que ça suppose chez tout un chacun. Et si moi j’ai envie de me bourrer la gueule, comme ça sans raisons, j’ai droit? Et on a tous vécu ça, ces conversations où on se justifie de faire la fête en trouvant un truc même banal à célébrer. Doit y avoir de la culpabilité judéo-chrétienne là dedans, ou un truc du genre. Enfin j’ai pas la réponse, mais de mon côté j’essaie d’éviter d’aller fêter tout et n’importe quoi sans pour autant tomber dans l’excès inverse qui consisterait à éviter toute célébration un brin populaire, combien même ça me parlerait à moi.
Mais alors, ca voudrait dire que les organisateurs des apéros facebook sont des agents à la solde du gouvernement ^^
Tu te fais trop rare par ici pour attaquer frontalement ta prose, qui est effectivement syntaxiquement sublime.
Toutefois, si l’on ne peut que souscrire à cette analyse moderne du « pain et des jeux », il ne faudrait pas non plus tomber dans l’excès inverse.
Si la multiplication des manifestations en tout genre sert avant tout des buts commerciaux, ce n’est pas une raison d’éradiquer toute volonté festive pour autant.
De l’intégriste de la fête au rabat-joie pisse froid, il n’y a qu’un pas, et j’évite tout autant les uns que les autres.
Choisir ses fêtes, en fonction de ses goûts et ses humeurs, les gens et les ambiances qui vont avec, est probablement la meilleure recette pour décompresser, chacun à son rythme, suivant les périodes et les aspirations.
Au plaisir de te relire avant 6 mois.
Ohlala! Vaste sujet… Déjà, laisse moi approuver ce que tu dis à propos de la femme en 98 (j’étais gamine mais je m’y reconnais.
Ouai, alors faire la fête c’est chouette oui, mais de temps en temps, voilà et on frôle l’overdose, parfois. A tel point qu’on est à la limite de culpabiliser quand on passe un weekend sans « faire la fête ». Or, on a pas que ça à faire (souvent), on a une vraie vie aussi, un travail, des obligations, toussa… (je shématise).
As-tu remarqué (je pense que oui) que lors des coupes du monde, les JT et presse écrites font leurs unes sur le sport, comme si c’était la chose principale, primordiale, vitale ?! Plus encore qu’un quelconque massacre, qu’une nouvelle réforme ou un désastre climatique…
Bref, je suis troublée même si je boirai volontiers une coupe de champagne (trop rare).
Bonjour Diane,
Je suis très frustré! A cause toi et ton énumération de tous ces cotillons, je me rends compte que pleins d’évènements m’ont échappé alors qu’on est déjà en milieu d’année!!!! La looose!?
Vite, vive ce soir, demain soir et encore après demain soir!? yeahhhhh
(bon et puis, rappelle toi de cet hiver si ffrrooiid…)
EXACTEMENT!! les organisateurs des apéros facebook sont tous des agents à la solde du gouvernement! Ils sont parmi nous, le complot est partout, et puis la vérité est ailleurs.
…plus sérieusement, les apéros facebook ne sont qu’une des petites branches qui se sont enflammées parce qu’elles jouxtaient le gros feu. C’est une question d’émulation et d’exemple, on fait quoi qu’on voit faire le voisin. Le voisin a un nouveau jouet? j’le veux! Il fait la fête? Moi aussi! On est juste entrés sans le réaliser vraiment dans une sorte d’habitude de vie où le divertissement prend de plus en plus de place, et pour certains presque toute la place. …Et du coup laisse de moins en moins la place pour d’autres choses, et en plus de cela affadit le principe même de divertissement (il faut bien se divertir de quelque chose, à la base, sinon on perd le plaisir du divertissement, on sort juste parce que ‘ça se fait’, pour prouver qu’on a une belle vie sociale, qu’on est djeuns etc…)
Et quant à ne pas tomber dans l’excès inverse du non divertissement absolu, à mon avis ça va, ça ne risque pas trop… mais je pense que cette superfestivite aigue nous sert vraiment de cache misère.
N’avez vous pas remarqué que les gens vous soupçonnent de dépression pathologique dès que vous leur affirmez ne pas avoir envie de faire la giga teuf pour votre anniversaire?
….et oui, je le sais, je me fait rare, veuillez accepter toutes mes confuses, mais que voulez vous j’ai un métier maintenant, ça occupe sévère les ados boutonneux qui font pas leurs devoirs.
« Travail, famille, football »
Le sport aurait-il remplacé la patrie ? Je ne crois pas. C’est, au contraire, devenu l’un des rares moyens d’assouvir nos pulsions nationalistes. La nation, c’est une idée, un fait spirituel. Si le 14 juillet n’est plus capable de redonner à la France ce sentiment d’unité, ce n’est pas parce que les Français ignorent ou oublient leur Histoire. Mais parce que c’est une fête politique, célébrée de manière officielle. Le football (mais pas seulement, le sport en général) fait réellement vibrer la France. Et oui, c’est une occasion en plus de s’amuser. Si la célébration d’une patrie commune se fait de plus en plus dans l’ivresse et la joie, et de moins en moins dans le recueillement, je ne vois pas où est le mal. On a déjà pas mal à faire avec le présent, pas besoin de pleurer pour un passé qui remonte à plus de deux siècles.
Le lendemain d’une soirée de fête, les affaires reprennent, la vie – et ses problèmes – reprend son cours. Rien est oublié, rien n’est laissé de côté. Faire la fête ne rend pas amnésique. D’autant plus que tout le monde ne sort pas un soir sur deux. Chacun est capable de faire ses choix. La propagande « faisons la fête » ne touche qu’une minorité de « fêtards extrêmes ». Chaque soirée concerne un cercle précis (liste d’invités, invitations, bouche à oreille etc.) Parler de « diabolisme » (mot qui n’existe même pas) me parait donc excessif.
J’ai écrit ce commentaire parce que cet article m’a vraiment déçu. Je viens de découvrir votre blog, et j’étais très enthousiaste jusqu’à ce que je lise ces quelques lignes qui présentent nos rares moments de liberté et d’insouciance comme un collimateur infernal.
je lis l’article et je suis tout a fait d’accord avec les propos ! cette surenchère de la fête est un cache misère (surtout en cette période de crise) cependant les gens ne sont pas si stupides !! ils ne veulent pas voir c tout !! qui veux vraiment se soucier des reformes et autres vacheries (mot d’un autre temps) de nos dirigeants !! c’est un non engagement de se laisser entrainer dans ce tourbillon et d’attendre finalement que les autres réagissent !!! inaction dans l’action : allez on va faire la teuf !! prendre son temps pr choisir sa tenue, la logistique et le reste (en fait consommer) évite la réflexion sur ce qui compte vraiment. l’avenir