Vendredi soir, 23h, mon mobile vibre. Un coup de fil qui arrive en fin de soirée n’est jamais une bonne nouvelle. Ma soeur en panique “tu vas bien?” “Heu ben oui… “. Et là, on apprend. le coup dans l’estomac, la voix qui tremble, le vertige. Puis l’attente, les gens qui se signalent en sécurité sur les réseaux sociaux. Quelques messages d’adieux de certains de mes contacts pour des gens que je ne connaissais pas.
Dimanche, 16h05. Pour le moment, je n’ai perdu personne, pas même de lointains contacts. Il y a bien cet ancien collègue fana de métal que je ne vois pas passer sur Facebook mais ça ne veut rien dire, il n’était peut-être pas au concert, de toute façon. Il y a cette appréhension d’arriver lundi au boulot et de découvrir une chaise vide. Je sais que tous ceux de mon équipe sont encore là, même celui qui était au Stade de France pour faire son boulot de community manager et qui n’avait aucune envie d’y aller. Mais sur 800 collaborateurs, tu te dis que forcément…
Mais pour le moment, je n’ai pas été directement touchée, tous mes amis sont là et bien là, même ceux qui habitent dans le 11e, même ceux qui ont l’habitude de sortir le vendredi soir. Je ne suis pas parmi ceux qui souffrent le plus, je suis juste celle qui, comme la plupart d’entre vous, est saisie par l’effroi, l’incompréhension, une certaine colère. Le sentiment d’impuissance, aussi. Mais je n’ai pas vécu l’horreur directement, je n’étais pas dans la rue, j’étais avec celui que j’aime, en sécurité. Alors je vais choisir le silence. J’irai marcher quand ce sera l’heure, je vais réfléchir, dans mon coin, et éviter de vous imposer mes réflexions surtout que… ben, je vois pas ce que je pourrais apporter au débat, en fait. Je reviendrai parler de choses plus futiles, plus légères, des petites choses qui font aussi le sel de la vie et donnent le sourire, plus tard. La vie continue, je retourne au boulot mais pour le moment, je trouverais incongru de vous parler de livres que j’ai lus, de films que j’ai vus, de considérations sur des petits éléments de la vie.
Même si la vie doit continuer.