Par Ella Sykes
On est le mardi 25 novembre 2008, il est précisément 21h54. Ce matin, une épaisse couche de neige mousseuse recouvrait absolument tout. Mon colocataire est parti pour Montréal, me laissant tout le loisir d’être seule, à moitié nue devant la télévision en fond sonore. L’émission est trash à souhait comme on les aime pour mieux les mépriser.
Les jours se succèdent et se ressemblent vaguement, je suis débordée de travail et c’est aujourd’hui la première soirée que je me consacre depuis plus d’un mois. Au fond, j’aime avoir l’esprit occupé au point de devoir réfléchir avant de me situer dans le temps et savoir quel jour nous sommes. Cela m’empêche de penser.
Sinon, je commencerais à repenser à la fille que j’étais à Paris, à ces raisons qui m’ont poussé un jour, en me réveillant, à prendre la fuite, deux chats et un sac sous le bras, pour tout bagage. Par moment, il se passe un temps d’arrêt où je me demande vraiment ce que je fais ici. Je veux dire que, tout roule, tout s’écoule avec la rapidité de l’éclair, et tout semble parfait, un peu comme dans les débuts de romans de Brett Easton Ellis. Au bout de quelques pages, les tourments et la douleur reprennent lentement leurs droits.
Alors, parfois lorsque je m’arrête de gesticuler, de courir et de travailler, la douleur et la tristesse m’envahissent pendant quelques minutes. Je pensais avoir plus de temps avant que cela ne se produise. Au moins, un an ou deux. Je misais sur le dépaysement et le fait d’être loin de tout ceux qui connaissent mon histoire, pour me distraire. Je me suis trompée du tout au tout.
Rien n’a changé, je suis toujours la même et cette vérité est effrayante. Je vais finir ce que je suis venue faire ici et dans un an, je partirais m’installer pour quelques temps à New York. J’espère que le bruit et la vie trépidante de la ville, ses magasins de luxe et son métro sale distrairont la souffrance que je me porte en moi malgré tous les efforts que je fournis, pour m’en débarrasser. Mais, je suis magnanime, je sais reconnaître ma défaite. Je ne peux que coller des pansements. Je sais bien que ces déplacements ne font que tenir la chose à distance même si elle me rattrape sans arrêt. L’été prochain, je tenterai d’user cette souffrance sur les routes de la Road 66.
C’est drôle de se dire qu’un seul événement dans une vie inclut un certain déterminisme duquel découle des réactions en chaîne imprévisibles et impossible à éviter.
Peu importe. J’essaie de me faire raison et de l’accepter, je me prépare à une vie d’exil et de solitude parce que j’ai l’impression persistante de ne pas comprendre les autres. Je suis toujours trop passionnée, impulsive, snob, excentrique, gentille, cruelle ou trop brillante. Bien oui je me la pète, je peux, non ? Bref, je me fais l’effet d’être comme ces poupées Made in China défectueuses. J’arrive maintenant à faire avec cette idée. Celle d’être une fille qui par son excès saoule rapidement autrui. Oui, quand on y pense, c’est logique. Actuellement, la société exige que l’on aille droit au but, sans perte de temps. Personne n’a que faire des créatifs et des originaux, des gens tourmentés. Tout roule pour les superficiels. J’aurais bien aimé faire partie de cette caste So select !
Vous savez quoi ? Dans le fond, tant que je ne m’attache pas, à personne, jamais, tout pourra demeurer sous contrôle donc ce n’est pas grave.
Si je ne me détestais pas autant, ce serait mieux. Le pire c’est que je ne suis même plus désespérée ou attristée par ce genre de considération. Je me suis résignée. Et, la résignation, je vous assure des fois ça fait du bien.
Elles fait du bien quand on a plus qu’elle. Qd j’étais à l’hosto et que je ne pouvais pas bouger, pas tempeter, pas faire d’efforts pour ameliorer ma condition je faisais contre mauvaise fortune ronchonnades… La fatalité a bon dos mais tout de même…
Comme tu l’as dit : Je n’ai plus qu’elle.