Savez-vous ce que j’aime dans la plongée ? C’est le silence. Un silence certes relatif avec le bruit du détendeur mais putain, on est si bien loin du brouhaha. Le bruit me saoule, m’agresse. Le bruit virtuel aussi. Dans l’Internet 2.0, toutes les voix ont leur espace pour s’exprimer. Alors on parle, à tort et à travers. Réfléchir, c’est pour les faibles.
Il y a quelques années, je lisais en ricanant les commentaires des sites d’actualité en étant fascinée par la connerie de la plupart de ceux qui prennent leur clavier pour nous arroser sans pudeur ni pitié de leur mépris pour l’Autre (l’Autre : les homos, les Arabes, les Noirs, les pauvres, les riches, les gauchistes, les droitistes… Les cons, quoi qu’il en soit). Au début, c’est un peu comme les Confessions intimes et consort, ça fait toujours un peu marrer les abrutis qui viennent nous expliquer leur vision de la vie. Sauf que ça finit par agacer et à mettre franchement mal à l’aise. Parce que ça nous met face à une certaine réalité, une réalité que t’as pas trop envie de voir. Celle où la parole s’étale sans le filtre de la réflexion ou de la logique. Ca s’exprime, ça dégueule les mots même (et surtout) quand ça n’a pas lu l’article. Pour dire que ça les intéresse pas, pour dire qu’ils détestent la personne dont parle l’article, pour dire que les médias nous manipulent, les Illuminatis, les Francs-Maçons, les médias de gauche complices, les médias de droite complices… Eux, au moins, ils ne sont pas dupes.
Parfois, bien sûr, certains commentaires valent vraiment la lecture, ils ajoutent une information, apportent un témoignage, donnent un nouvel éclairage à l’information. Mais pour un commentaire intéressant, combien de litres de merde fétide ? De « moi, moi, mon opinion et vos gueules, j’ai raison, vous avez donc tort, il n’y a pas d’alternative« . Mais la vraie question que je me pose c’est « pourquoi vous parlez ? ». En tant que lectrice et webzines, je ne commente pour ainsi dire plus, essentiellement parce que je n’ai rien d’intéressant à dire. Si un article me touche ou me paraît intéressant, je le partage, je ne poste pas un « c’était très intéressant », je trouve que ça n’apporte pas grand chose. Si j’ai rien à dire, je ne le dis pas, point. Mais manifestement, je suis un cas rare car quand je lis les comms, je hurle.
Il y a d’abord les « ce sujet ne m’intéresse pas », « y a plus grave ». Messieurs dames, l’avantage d’un webzine, c’est que, contrairement à leur version papier, il n’y a pas de limite de place. Donc pendant que la rédaction monde va vous pondre un article sur la Syrie (ou pas), la rédaction politique vous parlera de la dernière loi en date, la rédaction économie de la baisse du chômage et la rédaction culture pourra se pencher sur le dernier film à la mode ou sur la fin du phénomène Nabilla. Tant qu’on reste dans les limites du raisonnable et qu’on arrive pas à l’hystérie de remplissage par le vide dont je parlais la semaine dernière, tout va bien. Mais la vraie question est : si ça t’intéresse pas (ce qui est ton droit le plus absolu), pourquoi as-tu perdu une minute de ta vie pour renseigner ton nom, ton mail et écrire un sublime “on s’en fout” ? Re regarde la vidéo de 2 mn pour convaincre qui t’explique que plus y a de comms, plus l’article a des chances d’être bien vu sur Google. Donc ton commentaire inutile pour le quidam moyen le sera par contre pour le journal. En somme, la meilleure façon de montrer qu’on s’en fout pour décourager ce type de sujets, c’est justement de ne poster aucun commentaire.
Mais surtout, ce qui me paraît plus préoccupant, ce sont tous les dégueulis de haine sans le moindre filtre de réflexion qu’on se mange en permanence, y compris sur des articles qui n’ont rien à voir. Passons encore sur les stériles “Hollande démission” qui semble être “l’argument” ultime de certains droitistes qui le balancent en boucle. Mais là où je commence à avoir de l’urticaire, c’est quand on s’avale tous les « les homosexuels sont des malades », « les Arabes dehors » (ou les Roms, ça marche aussi), je vous sors la version la plus « polie ». A quel moment tu peux sérieusement écrire et poster ça ? Outre le fait que ça ne sert à rien pour le débat mais ça, on n’en est même plus là, je me demande à quel moment tu peux stigmatiser à ce point une population, quelle qu’elle soit, sans réfléchir 30 secondes. C’est quoi un Arabe ? C’est quoi un Rom ? C’est quoi un homo ? Ah oui, oui, on a certes des définitions mais je veux dire, concrètement, est-ce que le fait d’aimer une personne du même sexe que toi fait de toi quelqu’un d’identique à une autre personne aimant une personne du même sexe ? Le fait d’avoir des origines arabes ou roms fait-il forcément d’une personne un délinquant voire un criminel (puisque c’est ce qu’on leur reproche en général)? Les commentateurs te foutent tout le monde dans un même grand sac (poubelle) et hop, virez moi tout ça ! Et ça m’épuise. Vos gueules, par pitié. Si c’est pour taper vos slogans de merde, autant s’abstenir, hein. Toujours dans le négatif, toujours pour gueuler. Les politiques incapables, celui ci qui est con et moche, celle la qui est une vraie pute… Quel formidable crachoir que ces agoras virtuelles où vous vous cachez derrière un écran pour dégueuler votre rejet de l’autre. Pourquoi tant de haine ?
Les commentaires de journaux en ligne se sont peu à peu transformés en café de commerce version haineuse où l’on énonce l’inaudible en toute impunité. Alors que des lois vous condamnent en cas de racisme ou d’homophobie, là, c’est open bar. Evidemment, on ne peut pas s’amuser à remonter les IP de tous les racistes/homophobes… des internautes qui se défoulent pour leur coller des amendes. Mais de temps en temps, j’avoue que ça me ferait gentiment rigoler et ça permettrait peut-être d’arrêter de polluer les commentaires d’articles où, parfois, sous les tombereaux de merde, se trouve une pépite. Mais perso, j’ai plus envie de chercher.
Le dernier mot sera laissé à Daniel Balavoine qui répondait (très intelligemment) à un raciste en 84-85. Comme quoi, rien ne change.