Alors que les élections approchent à grand pas, l’ambiance devient salement toxiques pour tous ceux qui ne font pas partie de la classe dominante, c’est racisme, homophobie et sexisme à tous les étages. D’autant que les fachos désoeuvrés et violents (du moins avec leur clavier) prennent de plus en plus de place sur les réseaux sociaux, forums ou sites d’actu. Et quand tu es une femme sur le net, tu en prends salement plein la gueule quoi que tu dises. Même quand tu fais un innocent article sur les poches de jeans.
En 12 ans (!!) de visibilité sur les Internet, je dois avouer que je me suis pris mon lot d’insultes, de menaces, d’essayer de me faire peur pour que j’arrête de parler… alors que je ne dis quand même rien de bien problématique. Ah oui, je vomis la drague de rue, j’aime le sexe mais j’aime aussi choisir mes partenaires… Pendant longtemps, un oppresseur errait dans les commentaires en m’insultant régulièrement car je couchais sans me poser, honteux ! Répréhensible ! Curieusement, depuis que je suis entrée en monogamie, il a disparu. Sans doute parce qu’à ses yeux, je suis “rentrée dans le rang”. Vous allez me dire “non mais c’est qu’un troll, exagère pas non plus”. Non, il n’est juste qu’un maillon d’un système bien plus large.
Cette semaine, deux femmes journalistes spécialistes du jeu vidéo ont vécu l’horreur : Kayane d’un côté, harcelée par un fou depuis de longs mois, qui parvient enfin à le faire arrêter… en vain. La fille raconte cette histoire vraiment épouvantable et réaction d’un gros site de merde “ah bé fallait pas poster de photos en ligne, aussi”. En gros : si tu veux pas attirer l’attention d’harceleurs déséquilibrés, disparais. Vous allez me dire que le conseil vaut pour les hommes sauf que les hommes n’ont pas ce souci de harcèlement, voyez-vous. Eux, ils distribuent leurs photos de bite en érection à qui en veut (ou à qui n’en veut pas, d’ailleurs). Une femme paraît un peu coquine, un peu exhib sur les réseaux sociaux : avalanche de dick pics non sollicitées. Donc pardon, mais le discours “han mais ce sont les hommes et les femmes qui doivent se protéger”, c’est juste une immense hypocrisie. Oh hé, rappel : ce n’est JAMAIS la victime qu’il faut blâmer. L’autre journaliste, c’est Carole Quintaine qui a craqué cette semaine et montré ce qu’elle subissait au quotidien, des gentils “ta gueule grosse pute” dès qu’elle émet un avis sur un jeu vidéo, par exemple. Alors oui, vous allez me dire “han mais l’univers jeux vidéos, c’est un peu macho quand même, c’est pour ça”. Oui mais ta gueule en fait.
Parce que ce que subit Marie Kirschen, Kayane ou Carole Quintaine, c’est ce qu’on subit tout le temps et à notre petit niveau. Même moi, j’ai dû porter plainte dans le temps alors que j’ai même pas le 100e de la communauté de ces filles là. Dès qu’un tweet un tant soit peu féministe est repris, y a toujours un connard qui vient m’agresser, se contentant d’une insulte stupide dans le meilleur des cas, de menaces de viol, de violence voire carrément de meurtre ou injonction au suicide dans le pire. “Ouais mais roh, tu sais bien que les mecs, ils feront rien en vrai”. Alors déjà, non, je ne sais pas. Relire l’histoire de Kayane. Relire celle de Christina Grimmie, assassinée à 22 ans par un fan… Mais même si la personne qui menace de me défoncer n’en fera rien, faut arrêter de parler de troll à un moment : c’est trop souvent, jamais la même personne, on est au delà de la simple taquinerie. Surtout que vous, vous ne voyez pas trop le souci de recevoir des dizaines et des dizaines de messages violents mais quand vous êtes la destinataire,je vous jure que même si vous êtes solide, y a un moment où vous ne pouvez plus.
Les hommes pensent pouvoir distribuer la parole, ils montent des raids pour empêcher les féministes de parler. On cherche à nous remettre à notre place : à la maison, mutiques et à disposition. Et le pire ? C’est la complicité ou le silence d’autres hommes qui viennent nous expliquer alors qu’on vient de se prendre un violence symbolique inimaginable dans la tête qu’on exagère, que ce n’est que du troll et que ça vaut pas la peine de réagir, de laisser faire, que tous les hommes ne sont pas comme ça. Ca ne leur vient jamais à l’idée d’expliquer au “troll” qu’il ne doit pas agir comme ça non, c’est à nous, les victimes, de prendre sur nous et de, une nouvelle fois, fermer nos gueules. Et c’est là toute la magie de l’oppression masculine : assumée ou insidieuse, quand tu es une femme et que tu oses parler d’un sujet qui est soit réservé aux hommes soit qui dérange leur suprématie (des poches de jeans, on en est là), tu t’en prends plein la gueule mais s’il te plaît, fais le en silence pour ne pas heurter les mâles qui ne comprennent pas bien pourquoi tu vis mal des menaces de sodomie…
Du coup, la prochaine fois que vous aurez envie de dire à une femme de ne pas relever les attaques des “trolls”, réfléchissez bien. D’ailleurs, la prochaine fois que vous voudrez utiliser le mot “troll”, réfléchissez bien aussi… On est maintenant très loin de la fonction poil à gratter mais dans une réelle oppression.