Vendredi 13, on bascule tous dans l’horreur. 130 personnes sont mortes sans que l’on comprenne exactement pourquoi. Par vengeance, par acte de guerre, par fanatisme, par haine, par pulsion de mort, choisissez votre camp. Alors j’avais commencé un article pour livrer le fond de ma pensée mais des spécialistes se sont livrés à cet exercice et l’ont fait bien mieux que moi donc inutile de réécrire ce qu’ils ont déjà dit, je vous suppose très au fait de cette actualité là. Notez juste que prendre des décisions sur le coup de l’émotion n’est jamais une bonne idée et les faits nous démontrent douloureusement que plus on nous prive de liberté pour notre sécurité, plus on crève sous des balles sorties de nulle part.
Si je ne suis pas experte en terrorisme et géopolitique (même si j’ai un peu étudié le sujet par le passé et que j’essaie de rester très informée), il y a un domaine que je maîtrise : ce sont les réseaux sociaux. Alors je vais passer mon tour sur la question de mettre ou pas le drapeau français en guise d’avatar Facebook parce que pour le coup, j’estime que chacun fait ce qu’il veut. On pourrait regretter que cette option ne soit proposée que pour la France et pas pour les Libanais (43 morts) ou les Russes (224 morts dans un avion) mais pour le coup, on touche plus à l’ethnocentrisme qu’à la sociologie des réseaux sociaux et une fois de plus, des gens bien plus éclairés que moi sur le sujet ont écrit dessus.
Si on peste parfois sur le manque de pudeur sur les réseaux sociaux, force est de constater qu’on a bousculé dans une nouvelle ère, celle où Facebook et Twitter nous a aidé à savoir si nos amis allaient bien. Parce que oui, dans l’ordre des réflexes que j’ai eus en ce vendredi 13 maudit, outre les quelques sms à mes amis peu connectés (j’en ai, oui, je les chéris, d’ailleurs), c’est de balancer des messages sur les réseaux sociaux pour battre le rappel de mes potes et aussi annoncer que je vais bien, merci. Tu vois apparaître les messages similaires au tien, des likes et commentaires fleurir sous ton statut, te rassurant sur le sort des uns et des autres. Tu flippes un peu pour tes potes susceptibles d’être sortis par là, peut-être même étaient-ils au Bataclan… Puis tu vois les gens se checker, tu souffles un peu. 50 amis, 100 amis, 150…
Il y a aussi des drames qui deviennent soudain plus proches. Ces visages d’inconnus qui fleurissent sur nos timelines avec des demandes de renseignements. Lola, Christophe, Marion, Ludovic, Houda, Matthieu… des visages souriants, l’angoisse intolérable des proches, les heures qui s’égrènent. Le drame qui se dessine au fur et à mesure, l’annonce des décès. Tous ces gens comme moi, comme vous, ces gens avec qui j’aurais pu être pote, ces gens qui étaient potes avec des gens de mon cercle. Puis vient le jeu macabre où l’on doit slalomer entre les publications des images sanglantes. J’ai, pour ma part, des communautés de qualité, je n’ai pas vu passer ses images et je n’avais pas envie de le faire. Je veux dire je n’ai pas besoin de voir des cadavres pour mesurer l’ampleur du drame.
C’est toujours en temps de drame qu’on mesure toute la perversité de ces moyens de communication instantanés. Pervers car, d’un côté, c’est un fantastique outil pour se rassurer rapidement sur la santé de ses amis mais de l’autre, il nous fait vivre les drames personnels d’autant plus fort. Et nous mettent bien sous le nez la saloperie de certaines personnes, ceux qui multiplient les fakes pour attirer l’attention (y a quand même eu un faux avis de recherche, délirant), ceux qui se réjouissent des attentats parce que ça montre que les Musulmans sont des barbares (les Musulmans, oui, dans leur ensemble, les nuances, ça fait chier les fachos), parce que c’était de la musique du diable qu’ils écoutaient, les gens du Bataclan, parce que ça fait tomber les Bobos blancs de leur petit nuage, etc. Les disputes des uns et des autres, l’indignité de nos politiques qui continuent de se chamailler comme des enfants et ce en direct dans nos flux.
Le web 2.0, cette arme à double tranchant…