Pendant mon voyage en Sicile, j’ai lu un bouquin prêté par Salima : génération Y de Myriam Levain et Julia Tissier . Forcément, quand on tient un blog appelé les vingtenaires, on ne peut être interpellé par ce livre. Et à chaque page tournée, cette perpétuelle réflexion : « c’est tellement vrai ! »
Je fais partie de la frange la plus âgée de la génération Y. Quand j’ai vu le jour, Mitterrand n’était pas encore Président de la République, John Lennon n’était pas encore mort, la guerre froide était encore vivace avec le boycott des JO de Moscou. Je suis plus une digital adopter qu’une digital native puisque je n’ai eu Internet qu’à 18 ans, mon premier mobile à 19 avec une carte prépayée et je ne le voyais que comme un fil à la patte. J’ai cependant rattrapé ce petit retard puisqu’aujourd’hui, je suis une digital worker et j’aime faire ma vieille conne « mon premier taf, c’était pour une plateforme mobile, on était sur le wap ». Phrase magique donnant la sensation que je suis une pionnière. Dans les faits, 5 ans de community management, ce n’est pas si courant (mais pas exceptionnel non plus).
Justement, ces 5 ans d’expérience, parlons en. Je l’applaudis juste pour cette fabuleuse transition que je n’avais moi-même pas vu venir, je maîtrise à mort mes digressions. Si je regarde mon parcours professionnel, j’y vois de la frénésie, de la fuite en avant, du qui fait peur en entretien « heu mais vous restez jamais plus d’un an et demi dans une société ? ». Bah non et je vais t’expliquer ça en deux mots : perspective d’évolution.
Discussion entre collègues à la cantine, il y a la team des chefs de projet (dont moi), une ou deux consultantes et Guillaume dit « directeur de la production » soit le manager des chefs de projet. Mon n+1 en clair. Figurez-vous que Guillaume quitte la société pour de nouvelles aventures et il eut cette sentence terrible « non mais tu fais un an et demi, deux ans à un même poste puis tu changes de boîte pour évoluer ». Et à de rares exceptions près, il a raison.
Notre vie professionnelle est comme un mur d’escalade : quand une voie est obstruée, tu en prends une autre. Rare sont les ascensions rectilignes. Et qu’est-ce qui obstrue les voies ? Nos n++. Normal hein, ils étaient là avant et dans le digital working, si tu attends la retraite de tes n++, tu ne progresseras pas. Par exemple, si je prends mon cas, mon n+1 a un an de plus que moi… Et mon n+2 deux ans de moins !
La génération Y n’est pas instable par essence mais simplement par manque de passivité et de résignation. Force est de constater qu’au bout d’un an et demi, ton poste, tu le maîtrises et tu commences à t’ennuyer et avoir envie de nouveaux challenges. Car même si le boulot n’est pas le centre de notre vie, passer 8 à 10h/jour à s’ennuyer n’est pas vraiment bon pour l’épanouissement personnel. Ce n’est qu’une envie légitime après tout. Or nous avons le choix : notre boîte actuelle où les perspectives d’évolution sont nulles ou à peu près (d’ailleurs, en terme de formation, on te file des cours d’anglais alors que finalement, tu ne t’en sers qu’une fois tous les 6 mois plutôt qu’une formation te permettant de prendre du galon) ou une boîte concurrente qui a trouvé ton cv incroyable et qui te permet de grimper. On ne répond pas à toutes ces offres bien sûr mais pour peu qu’on toque à notre porte au moment où on commence à soupirer d’ennui, on saisira l’aspérité à pleine main pour gagner quelques mètres de hauteur.
Comme dit dans le livre, ce n’est au fond que du donnant-donnant. Tu n’investis pas sur moi, ma loyauté restera opportuniste. Un peu finalement comme une relation amoureuse : mieux ne pas trop s’investir avec une personne qui nous rend peu, on peut vite avoir un goût amer en bouche. Comme m’expliquait Simon quand je bossais chez TGGP : »ils sont pas chauds pour les formations car ils ont peur qu’on parte ailleurs ensuite. » Tu ne me donnes rien, je ne te rends rien, surtout pas ma loyauté.
Si certains membres de la génération Y vivent très bien cette situation, je fais plutôt partie de ceux qui font avec. Je cherche la stabilité avec ardeur mais pas à n’importe quel prix non plus. Parce que si aujourd’hui, je gagne plus de 50% en plus par rapport à mon premier salaire (effectivement bas voire très bas), c’est bien parce que j’ai bougé. Mais après tout, le turn over est notre quotidien et, au bout de quelques années, l’annonce du départ de tel ou tel collègue n’est plus un événement.
C’est tout à fait ça. Je vais faire lire cet article à mes parents pour qu’ils comprennent.
Une Génération Zapping ? Webitude ou génération y ?