Hier, je vous parlais débat et de cette impossibilité de convertir l’autre à partir du moment qu’il a une opinion solide et construite. Tu peux en parler pendant des heures, tu resteras rose, il restera bleu. Sauf qu’il n’est pas toujours facile de l’admettre : puisque j’ai raison, tu as tort, c’est mathématique.
Sauf qu’un avis n’est pas une vérité. On peut débattre des heures de qui de la Terre ou du soleil tourne autour de l’autre, un fait est établi : c’est la Terre qui tourne autour du soleil, point. Par contre, pour une foule de sujets, il n’y a pas qu’une vérité, tout n’est question que de perception. En politique, tu peux considérer que l’éducation est un sujet plus important que l’économie, si celui en face pense l’inverse, aucun n’a tort ou raison (à partir du moment où aucun ne s’appuie sur des arguments fallacieux ou de contre-vérité, j’entends). Mais tu ne lâches rien, tu es persuadé que tu es dans le vrai donc si l’autre ne comprend pas, c’est qu’il est con. Et là, paf, point Tupperware.
Rendons à César ce qui lui appartient, ce nom m’a été proposé par Victor Boissel suite à un appel à contribution twitteresque sur le sujet. J’avais aussi point douche bag proposé par Gugli_ (douche bag : Insulte anglo-saxonne, qui peut se traduire par idiot. À l’égard d’une personne qui ne fait que s’écouter parler.) mais j’ai préféré le 1er qui me paraît plus reconnaissable par tous (et ok, je connaissais pas le douche bag). L’idée est celle d’un hermétisme qui te pousse à énoncer que si l’autre n’épouse pas ton avis, c’est qu’il a certaines tares mentales (débilité, inculture, nombrilisme…). En général, tu sens venir poindre le point Tupperware : celui qui s’apprête à le commettre te répète le même argument en boucle comme si la répétition finirait par lui donner raison (mais, c’est comme le volume sonore, c’est pas parce que tu cries que tu détiens la vérité) puis souligne ton manque d’ouverture d’esprit. Lui n’en n’a pas besoin puisqu’il a raison. Tu refuses de l’admettre. Alors t’es con. Point Tupperware. À partir de là, plus de retour possible, chacun campera sur ses positions et le débat est clos. Et tu te seras pris quelques amabilités dans les dents, c’est gratuit, ça fait plaisir.
Pourtant, tout comme le point Godwin ou le point Alonso (ce moment où ton contradicteur sous-entend ou énonce clairement que tu es mal baisée), l’utilisation du point Tupperware est une défaite. Je lis parfois des débats sur Twitter (enfin, débats, en 140 caractères…) et le premier à dégainer un point Tupperware me paraît perdant, une sorte de pirouette discutable prouvant un manque d’argument ou de répondant. Il y a notamment une twitteuse dont j’apprécie les écrits mais qui agresse très rapidement ses contradicteurs à base de « tu peux pas savoir donc tais-toi ». Oui sauf que ne pas avoir d’enfants ou ne pas être une femme n’empêche pas d’observer. J’ai pas d’enfants mais je sais que certains principes éducatifs ne correspondent pas aux valeurs que je souhaiterais inculquer à mes enfants. Je ne suis pas un homme mais je peux voir quelles sont les traits de caractères devant être les leurs sous peine de passer pour des « tapettes ». Pas besoin d’être une femme pour voir le mot régime imprimé en énorme sur tous les magazines s’adressant aux femmes. Une moindre connaissance sans doute, une inculture totale sur le sujet, pas forcément. Et quand on n’a pas d’avis sur un sujet donné, on ne se mêle pas au débat quoi qu’il en soit.
Bref, ne pas être d’accord n’est pas signe de débilité profonde et quitter un débat en criant « de toute façon, t’es trop con pour comprendre » ne fera pas de vous le vainqueur du débat. Bien au contraire.
PS : Par hasard, j’ai découvert que j’avais déjà parlé de l’idée de si t’es pas d’accord, c’est que t’es con, j’avais oublié ! Et je reste sur la même ligne.
J’adore cette idée de point Tupperware (ça me fait penser à un couple d’amis qui adooore étaler ses disputes en public, disputes qui finissent souvent par un point tupperware mutuel…)