Dans un commentaire composé, vous analyserez le document ci-joint (Annexe 1) et ses enjeux, de manière ordonnée et structurée.
Depuis la nuit des temps (1), les artistes de variété ont su s’inspirer de la vie quotidienne afin de traduire, dans leurs créations, toute la diversité des émotions et des caractères humains. La preuve nous en est donnée avec le texte de cette chanson, publiée en 1990, qui nous interpelle de manière béante, sur la problématique inhérente des relations ambivalentes entre individus issus de classes socioprofessionnelles bigarrées. Dans une première partie, nous étudierons le début et, dans une seconde partie, la suite et la fin.
Un amour fulgurant.
L’auteur amorce son propos en nous prenant à partie d’un « moi », cinglant et malpoli, qui donne le ton à toute l’œuvre et suggère habilement l’intensité de l’émotion qu’il va nous communiquer. Il convient d’ailleurs de remarquer à quel point l’immersion est immédiate et la dissension bien suggérée grâce à l’utilisation d’une antiphrase subtilement amenée (« Moi je » (…) « toi tu »). Dans
toute l’œuvre, le rythme enlevé (phrase affirmative, concision de l’octosyllabe) n’est pas dénaturé par l’usage d’un vocabulaire soutenu : il trouve, au contraire, un adjuvant dans le champ lexical (« tu crèches », « meuf », « squatt ») afin de favoriser ladite immersion chez le lecteur.
Pour autant, ils convient de remarquer la justification facile (la fatalité) qui est mise en avant pour expliquer la rencontre entre les deux protagonistes, laquelle s’appuie néanmoins sur une vérité élémentaire, la mixité sociale évidente et facilement vérifiable par tout badaud, au sortir de la station Chatelet-Les Halles, un samedi après midi.Dans la droite ligne des contes pour enfants et des productions hollywoodiennes, l’auteur joue sur la notion d’amour impossible entre classes sociales trop différentes. On retrouve, bien entendu, un thème largement exploité auparavant (« Les bal des Lazes » de Michel Polnareff, « Pauvre Petite Fille Riche » de Claude François, entre autres). Il met ainsi en avant la rigueur et le manque d’ouverture entre les différentes catégories socio-professionnelles et, peut-être, les difficultés de l’éducation nationale à donner à chacun sa chance. On est ici à l’opposé du livre « E= MC² mon amour » où les deux héros, issus de différentes CSP, sont transcendés par leur surdouisme commun(d’aucuns diront, « leur surdouade »). Ce choix manichéen de l’auteur est affirmé, par la suite, dans les deux vers qui évoquent des employées de conditions modestes, caissière à Prisunic et employée aux PTT.
Le refrain se veut surement une métaphore de la maladresse du héros, celle qui l’empêche d’exprimer ses sentiments naissants avec clarté (« c’est toi que je t’aime ») et évoque sans aucun doute la réalité syntaxique de certains. En ce qui concerne ledit héros, toute son impulsivité contenue se manifeste avec l’intensité des voix et une hyperbole, sentencieuse et finale : « vachement beaucoup ».
Un dénouement plein d’espoir
La référence à Jacques Brel, qui ouvre la seconde strophe, n’est certainement pas fortuite. En effet, en citant explicitement la chanson « Ne me quitte pas » ( » Je t’inventerai un domaine, Où l’amour sera roi » comparable à « Je ferai un domaine, Où l’amour sera roi, ») l’auteur suggère habilement, par une ellipse, la suite de la chanson initiale : « …où l’amour sera loi, Où tu seras reine ». Pour autant, en donnant à son amour l’apparence d’un chemin de croix, grâce à une accumulation d’épreuves (« je bosserai toute la semaine », « et que même si il le faut », entre autres) l’auteur évoque la cruelle fatalité qui semble guetter le héros. Néanmoins, il autorise, une fois de plus, une immersion du lecteur grâce à des références choisies qui résonnent en chacun de nous (« Ikea », « chez Sabatier », « chez Foucault »).
Le dernier couplet est des plus évocateurs. L’intensité du phrasé, avec une stichomythie en 3 voix, régies par une parataxe des plus éloquentes, donne une force incommensurable à ces quelques vers. Cette accumulation finale permet une amplification, simple et épurée, tout en renforçant le coté dramatique de l’intrigue. Ce dénouement en pirouette laisse l’auditeur transi face au mystère insoluble et pernicieux qui se résume en une question épurée : « va-t-il la serrer ? »
On peut trouver un indice dans le fait que les interprètes concluent leur chanson en reprenant, une dernière fois, le refrain, une tierce au dessus de la tessiture initiale mais sans en changer un seul mot, ce qui évoque bien l’aspect immuable des barrières sociales. Cela suggère, sans coups férir, la détresse finale du protagoniste mais aussi le cri d’une voix dans la nuit. C’est bien entendu une référence à Clamence dans « La Chute » d’Albert Camus ; Clamence qui prend conscience de sa fatuité après avoir entendu un cri (celui de la société), un soir, sur un pont, dans la nuit noire, dans la nuit noire et obscure, obscure et sombre…
Conclusion :
Satyre sociale qui évoque le gouffre entre la France d’en bas et la population privilégiée des beaux quartiers, cette chanson reprend le thème ancestral et pérenne de l’amour impossible (« Hélène » de Roch Voisine, « J’la croise tous les matins » de Johnny Halliday) avec une intensité et une rythmique idoine, tout en nous rappelant que le rock est avant tout la musique de la rébellion. Une belle leçon à tirer, sans aucun doute.
Annexe 1 :
temps.
brillamment argumenté ! mais que penser alors de leur tube N°2 a l’opposé de cette analyse au demeurant subtilement illustrée, « et vice versa » ?? glucose non ?
15/20
C’est un travail fin et sérieux Lucas. Tu t’es bien attaché à sonder les différentes problématiques du texte que tu as su cerner avec une habileté d’analyse certaine. Les références intertextuelles sont justes et pertinentes. Cependant, il faut noter un manque d’organisation dans ton travail: où est le sacro-saint plan dialectique que doit comporter tout commentaire de texte? Hein? la thèse? l’antithèse? la synthèse? ttss…
Ah, et puis -10 points pour l’introduction en « depuis la nuit des temps ». Non mais.
Trrrès bonne petite idée que tu as eu là Lucas!
ça me rappelle du temps que je passais les concours, j’ai rêvé une nuit que je faisais un commentaire de texte sur « le plat pays » de Brel…
ahh que d’émotions dans ce magnifique texte des inconnus… et cette référence à Brel d’ailleurs que tu as souligné joue un peu le rôle d’une envolée lyrique au milieu de la fange, d’un petit bout de poésie -intertextuel- qui s’immisce mine de rien au milieu des prisunic et des PTT et autres anecdotes comtemporo-triviales. D’ailleurs, Madame Diane aurait pu te dire que les auteurs jouent ici sur l’esthétique de la réception, sur l’horizon d’attente de l’auditeur, qui est ici double (langage yoyo= lecteur djeunz yoyo; lanbgage brel= lecteur mélomane cultivé. Le lecteur privilégié apparaissant ici être un djeunz yoyo mélomane cultivé, ce qui ne court les rues ni de Juvisy ni de Neuilly)
Tu aurais pu également faire noter la référence à la fatalité du premier couplet qui n’est pas sans faire penser au tragique racinien. Faire rimer « fatal » avec « halles » invite en effet le lecteur à identifier ce lieu central de Paris comme ce qui sera le centre symbolique et fatal de leur rencontre et de leur tragique antagonisme qui sera source d’un pathétique certain, les deux protagonistes étant condamnés par leurs différences trop prononcées à ne jamais se comprendre. Car notons le, quasiment toute la chanson est au futur, et l’emploi de ce temps n’est pas anodin: il marque et insiste sur cette impossibilité d’être, être dans un réel tangible et présent. Leur histoire ne peut s’écrire qu’au futur. Snif.
….excellent, on peut faire ça avec n’importe quoi!
Bref, funny article. thanks!!
je ne partage pas l’avis de Diane, je trouve le plan tres construit et tres fluide. Avec toujours en fil rouge, cette these de l’amour impossible entre classes sociales, qui n’est pas sans nous rappeler Zola ou Stendhal ! je te conseille d’ecouter les paroles de vice et versa, la mélodie déja pourrait encore passer en radio, et l’anachorete hypocondriaque ça vaut son pesant de caouettes. D’autres chansons a decortiquer, pour la beauté du geste : les textes des beatles…quand on pense qu’ils ont fait des millions avec Love me do…et si tu veux vraiment plancher, essaye avec « la ouate » de caroline Loeb, ça devrait t’occuper un brin…ce sera un régal de te lire de toute façon.