Par Diane
Lequel d’entre nous, devant un de ses proches en pleine crise de jalousie (petit coup d’oeil discret dans les mails/teléphone de l’autre, inspection des poches, de relevé de carte de crédit, énorme engueulade parce que l’autre a souri à une personne de l’autre sexe etc…), n’a pas regardé ladite personne d’un oeil circonspect tout en se disant que, franchement, c’est un peu n’importe quoi et totalement déraisonnable, tout ça. Et puis un jour, alors que l’on est dans ce genre de situation où nos sentiments ont tendance à prendre le pas sur notre raison (=amoureux), une menace potentielle s’approche de celui qui fait palir le jour et notre coeur avec, notre bien aimé personnel rien qu’à nous, celui qu’on est avec celui qui est notre mec (wo ou ooo), et l’on sent avec étonnement naitre au fond de notre palpitant une légère torsion désagréable. Notre béat sourire s’efface, des petits plis se forment au dessus de nos yeux, le doute survient: nous sommes jaloux.
Il faut convenir il me semble qu’il y a des « natures » jalouses. Et même que, en toute objectivité et empirisme, ce genre de « nature » est quand même vachement féminine.
Et puis il y a ceux que l’expérience a rendu méfiant. Ceux qui à la base n’étaient pas jaloux, et puis, un jour, quelconque connard/pétasse a implanté cette petite gangrène dans leur esprit, qui une fois qu’elle s’y est logée, est très difficile à éliminer…
Il peut y avoir différentes causes à la jalousie, mais si vous le voulez bien, nous nous intéresserons ici davantage à ses manifestations. Et même qu’on va le faire avec un des plus bels exemples que la littérature nous ait donné: Phèdre.
Pour ceux qui ne connaissent pas, je résume: Phèdre est mariée à Thésée, qui a déja eu d’un premier mariage un fils, Hippolyte. (Fond sonore: musique des feux de l’amour) Et il se trouve que Phèdre est croque love d’Hippolyte, qui lui a une réputation de gros guerrier impavide qui ne s’intéresse pas aux femmes. (ce qui ne signifie pas qu’il soit homosexuel ,hein, on est dans une tragédie du XVIIème les gens, pas dans les chroniques de san francisco) Phèdre lui ayant fait l’aveu de son amour, celui ci l’envoie bouler.
Phèdre pourrait lui pardonner cela, si elle pouvait continuer à croire qu’il n’aime aucune femme MAIS elle apprend qu’Hippolyte aime Aricie, une ptite princesse voisine et là…c’est le drame. Elle apprend le fait à sa suivante Oenone (oui, je sais, ils ont de ces noms, les gonzes des tragédies antiques….):
1/ Première étape: surprise et douleur:
« Ah ! douleur non encore éprouvée !
A quel nouveau tourment je me suis réservée !
Tout ce que j’ai souffert, mes craintes, mes transports,
La fureur de mes feux, l’horreur de mes remords,
Et d’un cruel refus l’insupportable injure,
N’était qu’un faible essai du tourment que j’endure.
Ils s’aiment ! Par quel charme ont-ils trompé mes yeux ?
Comment se sont-ils vus ? depuis quand ? dans quels lieux ? »
La première manifestation de la jalousie est donc la prise de conscience de la tromperie: on se rend compte qu’on a été dupe, on en est autant surpris que blessé. D’autant plus que dans ces cas là, on est souvent très lucides sur ce qui nous arrive, même si n’arrive pas pour autant à le contrôler…
2/deuxième étape: rancoeur et mauvaise foi
« Tu le savais. Pourquoi me laissais-tu séduire ?
De leur furtive ardeur ne pouvais-tu m’instruire ?
Les a-t-on vus souvent se parler, se chercher ?
Dans le fond des forêts allaient-ils se cacher ? »
Devant la frustration qu’apporte sa situation (quoi qu’il fasse, il ne changera rien dans les sentiments de l’autre), le jaloux s’en prend à un tiers, (c’est ta faute tu le savais tu me l’as pas dit) cherche par le reproche à revenir dans le passé, pour chercher comment il aurait pu empêcher cela.
Qui sait, Phèdre aurait peut-être pu brûler les forêts pour les empêcher d’aller se bécoter dedans.
3/Troisième étape:l’affabulation
« Hélas ! ils se voyaient avec pleine licence
Le ciel de leurs soupirs approuvait l’innocence ;
Ils suivaient sans remords leur penchant amoureux ;
Tous les jours se levaient clairs et sereins pour eux. »
C’est là la manifestation la plus étrange et un poil masochiste de la jalousie: le jaloux affabule. Phèdre ici n’a pas la moindre idée de comment/quand/où ont pu se voir Hippolyte et Aricie, elle se représente la tromperie en images,elle se l’imagine avec moultes détails, elle évoque plus que concrètement le bonheur dont elle est exclue, et qui lui est volé.
4/ Quatrième étape: la fureur
« Non, je ne puis souffrir un bonheur qui m’outrage,
Oenone ; prends pitié de ma jalouse rage ;
Il faut perdre Aricie »
Vient donc après la soif de destruction: si le jaloux ne peut avoir l’amour de l’être aimé, alors personne ne doit l’avoir. (« perdre » Aricie= la tuer) Le jaloux en vient à vouloir que tout le monde soit aussi misérable que lui (y’a pas d »‘raison, merde!), d’autant plus que peut s’ajouter comme autre manifestations l’orgueil: Phèdre est reine, et Aricie n’est qu’une ptite princesse toute pourrite, donc dans le cadre des valeurs de l’époque, elle lui est supérieure, et c’est donc d’autant plus humiliant d’être délaissée pour une inférieure…. c’est le fameux « mais qu’est ce qu’il/elle lui trouve? » que nous avons tous un jour ou l’autre prononcé devant la stupéfaction que nous provoquait la vue de l’objet de nos désirs préférant à notre belle et spirituelle petite personne une créature aussi laide/mal foutue/grosse »/maigre/
Bref, la fureur du jaloux le rend aussi impitoyable pour son/sa rival(e) que pour l’être aimé: il veut faire souffrir autant qu’il souffre. Et je vous le donne Emile, Hippolyte va mourir à cause de Phèdre….qui du coup va se suicider… car la vengeance n’apporte pas le réconfort attendu.
Le premier constat qu’on peut tirer de tout cela, c’est donc que je crois pouvoir affirmer sans trop me mouiller que la jalousie fout une merde noire…Et surtout, que ça apparait comme quelque chose de difficilement contrôlable (attention j’ai dit difficilement, et pas incontrôlable…). Il me semble que la pire de ses répercussions est cette sorte de lucidité sur sa souffrance qui ne l’empêche pourtant pas de se répandre: la jalousie est irrationnelle, je le sais, ma raison réalise qu’elle l’est….et pourtant je ne peux m’empêcher de la ressentir… C’est étrange tout de même.
Après, j’ai déja entendu plus d’une foi qu’il « n’y avait pas d’amour sans jalousie », qu’il était agréable de voir l’autre jaloux, que c’était une preuve d’amour… A ceux là, je répondrai ce très bon mot d’Alexandre Dumas:
« les hommes croient qu’ils sont jaloux de certaines femmes parce qu’ils en sont amoureux; ce n’est pas vrai; il en sont amoureux parce qu’ils en sont jaloux, ce qui est bien différent. »
C’est rigolo, c’est un sentiment que je ne connais pas, la jalousie voire la rancoeur qui m’a l’air liée.
Perso je n’arrive pas à être jaloux, au contraire je cherche à comprendre comment faire pour arriver au niveau de la personne qui a suscité ce sentiment. Parfois ce ‘nest pas possible bien sûr et ds ce cas là je soupire dans mon coin mais la jalousie ne vient pas pour autant.
Pareil quand un copain sort avec une nana canon. Je ne suis pas jaloux et je me pose des questions. Bon, d’un autre coté je ne suis jamais resté assez longtemps avec qq’un pour que la demoiselle à une soirée rencontre qq’un et que ça colle entre eux et que je me retrouve à marmonner ds mon coin… On reparelera de tout ça une fois l’experience arrivée !
La jalousie tu as raison, n est jms bonne quoi qui l arrive.
Je trouve juste dommage que tu n aies pas fait plus la distinction entre la jalousie possessive (c’est MON mec) et la jalousie rivalite (la peur des autres) car au final meme si les deux sont lies, il y a une nuance qui n est pas negligeable…
Et parallelement je pense que la jalousie n est jms le fond d un problem surtout au sein du couple… elle cache autre chose (insecurite, insatisfaction…) enfin, je dis ca je dis rien moi..! 🙂
C’est bête à dire, mais même là, comme ça ça, à froid, les vers de Racine me font vibrer.
Très bel exposé !
Merci Professeur Ella Sykes ! 😉
Lucas: je ne suis pas a priori qqun de nature jalouse non plus, mais comme je le dis dans l’article, les choses peuvent changer une fois qu’on a été dans une mauvaise situation…sans devenir complètement parano pour autant, on peut se méfier plus qu’avant…
Chouchou: Vi effectivement, j’aurais pu faire la distinction, même si il me semble que l’un a tendance à mener à l’autre…
Yves: non seulement ce n’est pas bête à dire, mais en plus je l’ai pas entendu souvent, alors que rhhaaaa c’est tellement beau Rhhhaaaaacine. En ce moment, question alexandrin, je suis dans une période Hugo, mais je reviens tjrs à Racine de tps en tps…
Keira:, tu te serais pas trompée de nom/d’article, des fois? (tatataaaaa, révélation dans « vingtenaires, gloire et beauté »: Diane et Ella Sykes ne sont qu’une seule et même personne….qui a manifestement le don d’ubiquité pour se trouver à Paris et au québec en même temps…trop fort)
Hé bien Titus, que viens-tu faire?
Bérénice t’attends, où viens-tu, téméraire?
Tes adieux sont-il prêts? T’es-tu bien consulté?
Ton coeur te promet-il assez de cruauté?
Car au rude combat qui pour toi se prépare,
c’est peu d’être constant, il faut être barbare.
Quand je verrai ces yeux, parés de tous leurs charmes
S’attacher sur les miens, m’accabler de leurs larmes,
Me souviendrais- alors de mon triste devoir?
Pourrais-je die enfin « je ne veux plus vous voir?