Il jouait du pipeau debout

par Lucas

C’est l’histoire d’un plongeon du haut d’une fadaise…

Chers lectrices, chers lecteurs, aujourd’hui vous avez droit à un Lucas en mode Simplet et Naïf.
A quoi se reconnait le Lucas ainsi transformé me demanderez-vous en arborant un sourire inquiet ?
Oh c’est bien simple, le bon Lucas croit qu’un job va lui tomber tout cru sur le nez parce que vous comprenez il a fait une Maîtrise de Droit des Affaires puis une école de Commerce  dans la riante patrie du champagne (Reims Management’s Cool)… Ouhai même que.
Comme le godelureau a orné son CV de quelques stages épars justifiant d’une expérience de ouf gueudin, il arrive la gueule enfarinée chez les recruteurs pour demander plein de kilo-euros. Recruteurs qui le remettent vite fait à sa place une fois qu’il a avoué que son pire défaut est d’être un peu trop perfectionniste et autres réparties sempiternelles…

Du coup, Lucas postule via Internet. Il reçoit même des mails de son école pour des offres. Voire pire. Pour le… Salon des Hauts Potentiels. (là dans un Walt Disney ou un Tim Burton, c’est le moment où un éclair traverse la scène et fait un grand bruit terrifiant)

Le Salon des Hauts Potentiels (éclair/bruit terrifiant), je vous l’ai déjà  évoqué en 3 lignes dans un article intitulé L’Etre d’embauche publié le 3 août 2007… Allons bon, Hauts Potentiels… C’est quoi ce truc ! ?

Le Salon des Hauts Potentiels est tout bêtement un événement à la con au Palais Brongniart (La Bourse).
Un truc qui a lieu tous les ans à la mi-juin, qui dure deux jours et où des boites qui ne sont pas nécessairement dans le besoin recherchent des jeunes ayant moins de dix ans d’expérience. Des jeunes dont trouver un job est un besoin nécessaire (redondance folklorique) et qui sont donc pret à tout pour ça. Je n’arrive pas à piger si, pour les boites, ce salon sert à répondre à un besoin pressant de main d’œuvre qualifiée ou si c’est vraiment pour trouver des gens qui valent le coup et qui pourront être embauchés à un poste donné. Peut-être les deux…
En tout cas, le Salon des Hauts Potentiels, c’est moooooooortel (éclair/bruit terrifiant).

Vous allez au Palais Brongniart avec votre sourire 10000 watts et vos espoirs. Au préalable vous avez choppé une invitation sur le site du Salon. Ouhai l’invite c’est pour faire style on ne prend pas n’importe qui dans ce salon. Sauf que n’importe qui ayant Internet et une imprimante peut l’avoir son invite. Et le bac + 5 qui passe par là par hasard qui veut rentrer ? Ah bah non, il n’a pas d’invitatioooooons.
Déééééébile.
Salon des Hauts Potentiels : Le Salon des Cadres, Bac + 5 et MBA…
Super le sous titre.

Il y a deux ans, en revenant de Milan, j’n’avais pas pris de CV pour y aller mais seulement mon invite et une caméra.
Je m’étais posté à l’entrée du Palais Brongniart, en haut des escaliers et j’y étais allé au culot en interpellant les jeunes qui rentraient ou sortaient dudit Palais.

Bonjour, vous pouvez répondre à une interview qui sera diffusée sur le site GrandeZecolesPointCom ?
(note de Lucas : pipeau intégral…) Oui ? Vous êtes partante ? Bon on ne fera qu’une seule prise. Quel est votre prénom ? Ursuline ? Trop sexy. J’adoooooore. On peut se tutoyer ? (elle avait mon age mais c’était pour jouer mon personnage) Bon Ursuline, si tu le souhaites ton visage sera flouté et tu peux utiliser un pseudo ? Non ? C’est bon ? Tu es prête ? Allez c’est parti.
Trois, Quatre…

(voix de George Clooney en mode méga Lover)

Bonjour Ursuline, peux-tu nous expliquer en quoi tu es un Haut Potentiel ?

Et là, sans déconner, ce fut le Draaaaaame (éclair/bruit terrifiant).
Cinquante personnes questionnées et toutes ont été décontenancées.
Sauf un mec, qui m’a répondu du tac au tac :
« Parce que je suis moins con que la moyenne : d’autres questions ? »
Réponse canon. Le mec m’a remis à ma place sans pitié. Il a mon respect à vie et je vous parie qu’il sera patron d’une grosse boite dans les 20 prochaines années. Cette réponse, c’est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup. Ça veut dire qu’il était libre, heureux d’être là malgré tout…

Et pour les autres ?
Le temps de réaction pour se remettre sur les rails variait de 2 à 20 secondes. Et la réponse était unanime :
Je suis un Haut Potentiel parce que j’ai un Bac + 5.
Authentique et Affligeant.
A croire que plus on étudie, plus on est abêti…
Et en originalité t’as un BEPC moins 15 ?

Pas un mec, pas une nana capable de me répondre franchement :
« Parce que je suis intelligent et que je suis graaaave motivé » (eh oui en France on ne se met pas en avant, c’est mal d’assumer son talent)
ou même une boutade du style :
« Parce que je le vaux bien« .

Des qu’on crée les aspects d’un cadre officiel (et encore c’était uniquement pour un soi disant site web) les gens ont tellement peur de donner une mauvaise image qu’ils sont tétanisés ! C’est le règne du recruteur lobotomiseur. Ça m’exaspère !

Hier je suis allé à un rdv d’embauche. A l’accueil, c’est une stagiaire qui m’a conduite jusqu’aux bureaux. Quand je lui ai dit mon prenom ds l’ascenseur elle a souri : « Ah c’est vous ! M. Raoul va vous recevoir dans 10 mns. Vous savez, il nous a tous forwardé votre lettre de motivation ! Il a adoré. Il a dit que c’était la première fois qu’il recevait une vraie lettre de motivation et pas un tissu de conneries » !
Le même Monsieur Raoul qui me dit une demi heure plus tard qu’il est d’accord pour m’embaucher mais que le conseil en stratégie en
Banque va me tuer et que vue ma LM j’ai mieux à faire que ça…
Surréaliste l’entretien…

Tout ça pour dire…

Cette année, j’irais bien au Palais Brongniart avec un CV bidon de chez bidon disant que j’ai un DESS en lettres classiques, que j’ai fait un mémoire sur le rôle des virgules dans l’œuvre de Stendhal,et qu’en préparant l’agrégation j’ai eu une illumination. Que j’ai envoyé tout balader pour passer 6 mois dans les bouquins de Manadgemeunte histoire de me farcir le pgm d’une école de commerce et que maintenant que j’ai tout assimilé je me lance sur le marché du travail et donc que je suis un haut potentiel…
Un vrai.
Rien que pour voir leurs gueules

« C’est une blague ? »
« Bah non pas du tout. Je vous donne l’impression de blaguer ? » Vous n’aimez pas les convertis ? Vous êtes intégristes ?
 » Je suis dubitatif. Comment calcule t-on la VAN d’une entreprise ? »
 » Dans un milieu avec impôt ou sans impôts ? Si c’est pour vous ressortir du Modigliani et Miller, on a ptete mieux à faire, non ? Si vous n’aimez pas les profils atypiques la queue derrière moi est encore longue et ya surement des tas de gens monocordes et malléables Manifestement, c’est ce que vous recherchez. Au revoir Mada…
« Non, c’est bon, restez… »

Comme je suis toujours à la recherche d’un boulot, si je vais au Salon dans 15 jours, il va falloir que je me retienne pour ne pas foutre des baffes à tout le monde. J’insiste comme un gros lourd mais un seul mot qualifie les gens dans ces moments là : pusillanime. Pourquoi ?

1) Parce que la crainte de faire mauvaise impression inhibe tout naturel. Et quand on cherche un job, chose vitale pour son existence, on ravale ses réflexes. Pourtant combien de recruteurs vus à des conf à l’école m’ont dit que c’est exactement ce qu’ils cherchaient…
2) Parce que la culture française taxe de fanfarons les gens qui se mettent en avant même s’ils ont toute légitimité pour le faire. C’est assimilé à de la vantardise et en France, là ou la religion reine c’est le culte de la Modestie voire de la Médiocrité, ce genre d’action est hérétique…
Je n’irai pas plus loin je suis trop blasé.

Je peux quand même avoir vos avis les gens ?

11 réflexions sur “Il jouait du pipeau debout

  1. Ces salons de recrutement est souvent une perte de temps. De plus très souvent le cadre est moche et/ou bruyant… Moi, j’irais plutôt à des salons concernant le(s) domaine(s) dans lequel je voudrais travailler…

  2. J’ai encore oublié : J’ai fait aussi des entretiens d’embauche comme chef de projet. Quand il y avait des gens (et il y en avait pas mal) qui étaient sans travail depuis 3, 6 mois ou plus, je n’en ai engagé personne qui n’a pas (essayé) de justifier l’emploi de son temps : Ca pourrait être une formation professionelle ou pas, un longue voyage qu’on ne peut pas faire prennant des congés normaux comme salarié, s’être occupé d’un membre de sa famille gravement malade, etc. Je ne allais pas tout vérifier à la lettre mais en règle générale, je me suis pas trompé…

  3. alors là je sais pas trop quoi penser de ton article.
    D’un côté, tu es contre ce système : critique des salons de recrutement,mais d’un autre, tu as quand même fait une école de commerce, et donc casqué une somme inimaginable par an.
    Ayant fait une école de commerce, je suis d’accord pour dire qu’on y apprend pas grand chose, que c’est du vent, mais je suis contente de l’avoir faite, car elle m’a permis d’avoir un job pas trop mal comme premier emploi!
    Donc,toi ,je vois pas trop où tu veux en venir…ça serait à refaire, tu refais pas ton école???
    PS: je vous lis depuis lgtps mais ton article est le premier qui me fait réagir!

  4. Lucas serais-tu Homme : « j’aurai voulu être un artiiiiiiiiiste pour pouvoir faire mon numéro » ?
    Noooon surtout pas !
    Ta verve légendaire dans ce monde me semble parfaite pour te débrouiller tout seul… Un peu d’imagination, de magie, un Grand sourire, un visage enfantin comme on les aime, et puis pourquoi faire un semblant de ? Le naturel revient toujours au galop…
    Un conseil, le mien : reste dans tes grolles et puis vas y la bouche en coeur sans penser au lendemain.
    Une expérience, la mienne : certes pas pour un job mais plutôt un coup de folie, connaître l’avis d’un « auditeur », disons plutôt éditeur, sur quelques pensées jetées sur papier !
    Quelques jours auparavant, me suis mise en scène pour le jour J ! STUPIDE ! Quelle image du ridicule ! Arrivée au pas de la porte FATALE, mon naturel, mon sourire, mes mimiques, mon blabla sont revenus comme par enchantement !
    Pourquoi devenir autre alors que soi-même on a, ou pas, un ptit plus séduction ! Mes mots c’est moi si je changeais de peau, ils ne signifieraient plus rien! Et puis par séduction et humour, cet auditeur s’est laissé lui aussi aller à des confidences et tics !
    FAIS pas ton numéro ! Keep smile et balance comme tes mots dans ce monde ! Let’s go !

  5. Je viens de parcourir l’étude , enfin rapidos!
    Bon, j’ai lu le début!!
    En fait, j’ai reconnu en tout point mon école de commerce qui est loin d’avoir la réputation d’HEC; j’ai fait l’ESC Tours Poitiers.
    En fait, il est clair qu’une fois la sélection effectuée après le concours, tu n’as plus rien à faire, tu vises 10 aux partiels, partiels qui se résument à quelques QCM de 2 H au grand max!!!
    Ayant fait le contraire de toi, j’ai commencé par l’Ecole puis j’en ai redemandé, j’ai fait un MASTER 2 en Finance, j’ai comrpis ma douleur quand je suis arrivée à l’IAE, ceux de ma classe étaient 10 fois plus balèzes que moi, beaucoup plus techniques, il est clair qu’en terme de savoir , l’université n’a rien à envier aux école.Par contre, j’ai quand même énormément développé à mon école mon savoir être, c »est à dire mes facultés d’adaptaion, mes qualitès relationnelles, mon esprit d’équipe.Ca c’est indéniable, mais c’est quand même cher payé, ça m’hallucine le prix de ces écoles.
    Tout ça pour dire, que l’université n’a rien à envier à l’école , mais par manque de moyens a des efforts à faire au niveau associations, relations entreprises., réseau anciens élèves, tout ça qui semble accessoire mais qui au final, s’avère indispensable!

  6. Mouais mouais, eh bien moi je dis, que si tous tes « hauts potientiels » là, ils avaient fait un peu de Lettres classiques et qu’ils avaient lu des livres où y’a autre chose que des chiffres dedans, eh bah ils t’auraient peut-être bien servi des réponses un peu moins plates que « parce que j’ai bac +5 »
    Alors oui, je crois bien que, peu importe la pile de fric, les « perspectives d’avenir » et la « reconnaissance sociale » qu’on mettra dans l’autre côté de la balance, je persiste et signe que je choisirais toujours le rôle des virgules chez stendhal. Non mais. Vachement important, la virgule. ça pose un souffle, ça étire la diction et mime les agitations intérieures!
    Si phèdre elle arrive devant hippolyte et qu’elle lui balance: « oui prince je languis je brûle pour thésée » …bah c’est moche, c’est sans relief, et on imagine la phèdre affalée dans son canapé en train de regarder le jerry springer show.
    Alors que si elle lui dit « oui, prince, je languis, je brûle pour Thésée » ahhh bah là, la virgule, elle montre bien qu’elle se languis la pauvre phèdre, qu’elle en peut plus, la phrase s’étire, comme sa douleur qui n’en finit pas, et pouf 5 points en plus dans l’effet de la tirade.
    MMmmm?? vous vous en foutez?
    po grave, moi j’adore.

  7. Regret ? Dis toi qu’il suffit simplement d’un rendez-vous pour que tout t’apparaisse sous un jour différent, sinon il te reste l’imaginaire !
    Il serait dommage, que ton image reflète celle d’un homme vieux et sage avant l’heure mais préférable que ce miroir te projète celle de l’insouciance et de la folie tout simplement ! Bardé de diplômes et « tout feu, tout flamme » peuvent provoquer un cocktail détonant, alors EXPLOSE !
    Et puis pour le déambulateur, les cheveux gris, les sillons sur le visage creusés par les regrets, dis-toi que c’est pas encore le jour J 🙂

  8. Ce genre d’article me met un peu mal à l’aise, ça me titille la corde de l’infériorité. Pour moi, avoir un potentiel ne veut pas dire avoir un bac ++. Ca veut dire pouvoir faire plus avec ce qu’on a en main, et ça, ce n’est pas le nombre d’années d’étude qui va le décréter. Je sais que personne n’a dit le contraire, mais je crois que débarquer dans le salon en question en disant « Bonjour, je suis bac+2, et j’ai du potentiel » c’est devenir une légende vivante et une running joke sur pattes pour les recruteurs!

  9. J’adore quand on parle des écoles de commerce. J’en ai fait une moi-même, et je suis effaré par le peu de choses qu’on y apprend. J’ai vraiment le sentiment que tout est à repenser dans l’apprentissage du « business ».

    Mais puisque tu le reconnais bien volontiers, les étudiants d’ESC sont pour la plupart des glands n’ayant rien appris MAIS qui ont la grosse tête, n’est-ce pas normal que les entreprises les remettent à leur place… ?

  10. Ui bah moi j’aurai tendance à te dire la chose la plus simple qui me vient au cerveau en cet instant précis mais ô combien précieux:
    Sois toi-même, Lucas. Balance. Moi, à ton salon pourrave, j’y aurais bien été si je finissais pas si tard le boulot (que j’ai, la vie est injuste), rien que pour leur balancer mon culot à la tronche, et devant ta caméra, rien que pour te répondre: « je suis un haut potentiel parce que je ne visualise la vie que ludique, parce que j’essaie de trouver la meilleure manière d’optimiser les secondes en provoquant les gens, les choses, en les faisant rire ou chialer, ou les deux ensemble, même, parce que je veux devenir celle que je suis, déjà, sans me mentir, parce que je trace ma route sans écouter les avis des gens, parce queeeeeeeeeeeeeee!
    Parce que le potentiel, c’est nous mêmes qui nous l’infligeons, ou plutôt, qui nous l’appliquons, tel un pedigree infaillible! et si tu crois en ton pédigree, tout le monde y croira!

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