Episode 3

Il se posta devant la porte automatique et entra sa carte pour l’ouvrir. Après avoir produit un souffle semblable à un soupir, le panneau glissa dans
le mur, lui permettant de rentrer. Il comptait se rendre dans sa chambre quand sa mère lui barra le passage. Elle surgit devant lui, le faisant violemment sursauter et commença à l’entraîner vers
le salon.

« Mon chéri, tu vas voir, je t’ai concocté une surprise merveilleuse, je suis sûre que tu vas rester sans voix ! Je suis impatiente de
te montrer ça, mais avant, il faut que je vérifie si tu es bien…Oh mon chéri ! Tu as une tête épouvantable ! Où es-tu allé traîner, encore ?  »

Elle soupira et commença à lui arranger les cheveux et à lui replacer sa chemise correctement. A 55 ans, Lauren Wadeker était encore une très belle
femme, avec ses yeux vert émeraude qui valaient l’admiration de la plupart des hommes de son âge et des cheveux d’ébène parmi lesquels apparaissaient quelques cheveux blancs. Mais malgré son
succès auprès de la gent masculine, elle avait toujours refusé de se remarier, restant fidèle à la mémoire de son époux, mort en guerre. Ethan n’avait pas beaucoup de souvenirs de son père et ne
savait même plus quelle tête il avait… Il ressemblait tellement à sa mère que s’il eut appris qu’il n’avait pas eu de père, ça ne l’aurait presque pas surpris.

Quand elle eut enfin fini de le rhabiller, elle le traîna vers le salon où il découvrit Neve Woodart, sa chère fiancée, en grande tenue
blanche : sa robe de mariée. Il resta sur le pas de la porte, bouche bée, admirant la jeune femme : ses longs cheveux bruns tirant sur le roux tombaient sur ses épaules, soulignant sa
peau diaphane, tandis que son visage trahissait sa joie. Ses yeux marron pétillaient, ses lèvres joliment ourlées dessinaient un sourire qui ne paraissait pas feint. En effet, Ethan était un des
meilleurs partis de la ville, il y avait de quoi se réjouir. Il devait admettre qu’elle était très belle, même si quelques kilos en plus ne lui auraient pas fait de mal, mais il ne l’aimait pas,
c’était ainsi. Ce mariage était arrangé de toute pièce car les membres de l’élite ne devaient se marier qu’entre eux.

« Mon Dieu ! s’exclama Lauren, en prenant la future mariée dans ses bras. N’est-elle pas ravissante ? Neve, ma chérie, vous
êtes tout simplement somptueuse ! Qu’est ce que tu en penses, Ethan ?

– C’est…tu es très belle, Neve.

– Oh, ne reste pas dans ton coin, viens donc voir la robe de plus près ! C’est Neve elle-même qui l’a dessinée, elle est vraiment…je ne
trouve pas mes mots pour le dire. Oh, mes chéris ! Ca va être magnifique ! Je suis si excitée ! Ethan, il faut commander ton smoking !

– Maman, on ne se marie que dans quatre mois, on a le temps.

– Oh, Ethan, tu me désespères ! Si on t’écoutait, on ferait toujours tout au dernier moment. Bon, je vous laisse tous les deux, en
amoureux. Vous devez en avoir des choses à vous dire. »

Elle leur fit un sourire plein de sous-entendu puis s’éclipsa, laissant les deux jeunes gens seuls. Neve se planta devant le miroir et s’examina sous
toutes les coutures, d’un air suffisant, C’était précisément la raison pour laquelle il ne l’aimait pas. Elle était à ce point superficielle qu’elle se réjouissait d’épouser un homme qu’elle
n’aimait pas, simplement parce qu’il faisait partie de l’élite. Par ailleurs, elle n’avait pas beaucoup de conversation, en dehors des bals mondains et des rumeurs sur les uns et les
autres.

« Il faut célébrer nos fiançailles, déclara-t-elle, soudain.

– Hein ?

– Nos fiançailles, répéta-t-elle, excédée. Il faut faire une grande fête et inviter tous les gens en vue, comme ça, toute la ville ne parlera plus
que de notre futur mariage…oh, je vois ça d’ici. Le colonel Woodart, héros de guerre et Mme Wadeker, veuve du grand général Wadeker ont décidé d’unir leurs enfants, pour le meilleur et pour le
pire. Hou !  »

Elle poussa un petit gloussement qui voulait certainement dire qu’elle était ravie. Il voulut sortir de la pièce pour éviter ses délires
pharaoniques, mais il s’y prit trop tard : elle fonça droit sur lui et se mit à énumérer les gens qui devaient être présents.

« Il faudra inviter les Adams, les Goldberg, les Green, Robertson…oh, tu sais qui il faut à tout prix inviter ? 

– Dieu ?

– Soit un peu sérieux ! Les Geller ! C’est une des familles les plus importantes de la ville et ils ont un petit garçon de neuf
ans ! 

– Super, on va pouvoir jouer aux petits soldats.

– Mais non ! Il nous faut une fille ! Si j’accouche dans un an, ils n’auront que dix ans de différence, c’est jouable…il faut que notre
fille épouse Oliver Antelwort Geller !

– Quelle fille ? On n’est pas mariés et tu n’es même pas encore enceinte ! Redescend un peu sur terre, Neve.

– Oh, bon sang ! Tu sais que si tu n’étais pas le fils de Wadeker, je ne t’aurais jamais épousé !

– Ca tombe bien, parce que si j’avais le choix, je ne t’aurais jamais voulue. »

Elle poussa un grognement de colère et repartit à son miroir : elle préférait sans doute se pâmer plutôt que discuter avec son futur époux
qu’elle haïssait probablement déjà. Il soupira et sortit sur le balcon pour prendre l’air. S’il n’y avait pas eu sa mère, il aurait refusé cette union, mais elle y tenait tellement.. Il ne
voulait surtout pas la contrarier, il l’aimait trop.

Il entendit un bruit près de lui et tourna vivement la tête : un simple passant qui poursuivait sa route sans faire attention à lui. Il fut
légèrement désappointé : il auaait souhaité se retrouver nez à nez avec sa voleuse, parce qu’il était quasiment sûr qu’elle n’était pas une exclue. Comment connaissait-elle son nom ?
Pourquoi tous ces malfrats obéissaient aveuglément à cette fille ? Et pourquoi pensait-il encore à elle ? Il ne la reverrait probablement jamais et même s’il la retrouvait, que lui
dirait-il ?

« Ca vous plairait de dîner avec moi ? J’aimerais bien savoir qui vous êtes. »

Elle éclaterait probablement de rire et lui volerait son passe . Il entendit Neve pianoter sur le robot-esthéticien, sans doute pour lui
demander de la maquiller ou de la coiffer. Il soupira : il allait devoir passer sa vie avec la femme la plus gonflante de la planète, quel bonheur ! C’était peut-être pour ça qu’il
repensait à l’autre femme, parce qu’elle était libre et qu’il l’enviait. Peut-être que si la guerre n’avait pas eu lieu, il aurait pu épouser la femme de son choix et aurait pu éviter les soirs
de désespoir à l’idée de se marier avec une idiote qui n’avait aucune culture et aucun centre d’intérêt digne de ce nom. De toute façon, cette société n’était pas faite pour se cultiver :
les enfants allaient à l’école pendant quatre ans pour apprendre à lire et à se servir des machines et après, ils étaient lâchés dans la Nature, sans avoir le goût de la lecture. De toute façon,
pour ceux qui en auraient eu l’envie, ils auraient vite été découragés par les horaires impossibles de la bibliothèque municipale…A présent, ils pensaient que seule la télé pouvait cultiver et
ils s’abêtissaient à regarder des films dans lesquels jouaient des cyborg plus vrais que nature ; mais au fond, il s’en était contenté jusque là parce qu’il n’avait pas vraiment envie
de se battre pour que ça change. Les gens ne lisaient plus, et alors ? Que pouvait-il y changer, lui ? La société était ainsi faite et elle faisait plus d’heureux que toutes celles qui
l’ont précédée…il fallait être réaliste : il y aurait toujours des exclus mais, au moins, à Technopolis, ils étaient réduits au minimum.

—–    

            Ethan s’étira lentement et quitta son lit avec regret, mais il avait beaucoup à
faire : Neve et Lauren avaient invité un nombre impressionnant de gens pour la réception célébrant leurs fiançailles et il fallait s’occuper de tout organiser. Il entra dans le salon et fut
assailli par Neve qui semblait surexcitée :

«Oh, Ethan, enfin tu te lèves ! Devine qui va venir à notre réception ,devine ! Devine !

– Je sais pas moi…Neve, je viens de me réveiller.

– Et bien je vais te le dire : M et Mme Geller et leurs enfants : Oceany et Oliver Antelwort. Ils viennent, c’est formidable, on va pouvoir
arranger le mariage ! Et puis c’est pas tout, devine qui sera notre invité d’honneur ?

– Je n’en ai pas la moindre idée.

– Bill Oxford lui-même ! Bill, sa deuxième épouse Kelly et son fils Mark ! Ca va être fantastique, tout simplement merveilleux ! J’ai
hâte de dire ça à ta mère ! Oh mon Dieu ! Je n’ai rien à me mettre ! Faut de suite que j’aille regarder ce qu’ils ont en rayon sur le web. Toi, il faut que tu vérifies que le repas
sera livré, la salle libre, les musiciens en service…tiens, je t’ai fait une liste. Oh, Bill Oxford !  »

Elle poussa un cri de joie et se jeta sur l’ordinateur, pour commander la robe de ses rêves. Il soupira et regarda la trop longue liste que lui avait
laissée sa future femme. Il ne savait même pas s’il aurait assez d’une vie pour faire tout ce qu’elle lui demandait, mais il allait s’exécuter par amour pour sa mère qui faisait tout pour
que ce mariage soit une réussite. Il ne voulait en aucun cas la décevoir.

Il se rendit dans sa chambre et fit tout ce qu’il put pour accomplir toutes ses tâches. Mais il était interrompu toutes les deux minutes par sa chère
fiancée qui lui envoyait des photos de robes en lui demandant ce qu’il en pensait et il répondait toujours que ça irait très bien, mais apparemment, elle n’était pas du même avis que lui,
puisqu’elle changeait de robe…alors pourquoi elle lui demandait son avis ?

Ensuite, il fut dérangé par sa mère qui voulait savoir s’il préférait une décoration dans les tons bleus ou dans les tons verts, parce que Neve
voulait accorder la couleur de sa tenue à la décoration. S’il ne devenait pas fou avant la fin de la journée, ce serait un miracle.

« Ca n’a pas l’air d’aller, mon chéri, remarqua Lauren.

– J’ai beaucoup de choses à faire, c’est pour ça. Je crois que je n’aurais jamais le temps de tout mettre en place.

– T’en fais pas, je vais t’aider.

– Mmm. Je peux te poser une question : pourquoi tu as épousé papa ?

– Quelle question : parce que je l’aimais, voilà.

– Tu sais ce que je devrais répondre, moi, quand mes enfants poseront la question : parce que j’étais un bon parti pour votre
mère.

– Oh, mon chéri, ne dis pas ça…je suis sûre que Neve t’aime sincèrement.

– Non, je ne crois pas : la seule chose qui l’intéresse, c’est de pouvoir faire une fille à temps pour la marier avec Oliver Antelwort
Geller.

– Quelle idée ! Il a déjà neuf ans, le temps que vous ayez une fille, à condition que vous ayez une fille, évidemment, il sera trop
tard.

– Va dire ça à Neve ! Pour elle, c’est le meilleur parti pour notre fille qui n’est même pas conçue. Tu sais, je crois que cette fille est
complètement givrée : c’est plus important pour elle de savoir qui sera là à son mariage que d’aimer un peu son fiancé.

– Je comprends ce que tu ressens. Tu sais, si tu ne veux pas l’épouser, je…

– Non, maman, je l’épouserai, ne t’en fais pas : ça te tient tellement à cœur. 

– Tu ne dois pas te marier avec cette chipie pour me faire plaisir, voyons !

– Mais en te faisant plaisir, je suis heureux. C’est tout ce qui compte, au fond.»

Il étreignit tendrement sa mère, mais au fond de lui, il s’en voulait de lui avoir parlé ainsi de Neve. Elle pensait sincèrement qu’ils étaient
amoureux l’un de l’autre, ou plutôt, elle voulait à tout prix le croire, mais elle devait se rendre à l’évidence, à présent : ces deux là ne s’aimaient pas et leur mariage risquait d’être
une corvée pour l’un comme pour l’autre, mais que faire ? De toute façon, les fiançailles avaient été annoncées partout, ils ne pouvaient pas revenir en arrière et puis, s’il n’épousait pas
Neve, qui pourrait-il choisir ? Les femmes célibataires faisant partie de l’élite et ayant à peu près son âge ne courraient pas vraiment les rues et il risquait de finir sa vie seul, s’il
n’attrapait la perche qu’on lui tendait et il voulait offrir à sa mère le plus beau des cadeaux : un petit-fils ou une petite-fille.

Neve entra à ce moment-là dans la pièce et les regarda atterrée :

« Ethan ! A quoi ça sert que je m’escrime à t’envoyer des messages si tu ne les lis pas ? Nous n’avons pas de temps à perdre !
 

Lauren regarda sa future belle fille, choquée par cette impolitesse et par cette attitude digne des esclavagistes, puis explosa :

« Ecoute-moi bien, petite peste ! Tu vas changer d’attitude avec mon fils immédiatement ou je romps les fiançailles et je m’arrangerai pour
que tout le monde sache à quel point tu es détestable ! Après ça, ça m’étonnerait bien que tu puisses trouver un fiancé potable et tu finiras ta vie seule : imagine : ça va être
atroce de penser qu’Oliver Antelwort Geller va épouser une femme qui ne sera pas ta fille.

– Mais, je…bafouilla-t-elle.

– Tais-toi et mets-toi un peu au travail : Ethan ne pourra jamais réussir à tout faire tout seul.

– Mais, je…heu…d’accord. »

Neve semblait au bord des larmes et elle repartit toute penaude vers son écran ; apparemment, Lauren avait trouvé la bonne méthode pour la faire
marcher au pas. Il faudrait s’en souvenir, dans le futur.

Il sourit à sa mère qui repartit dans le salon surveiller sa belle-fille, puis il repartit dans ses innombrables tâches…quelle plaie, cette
réception ! Tous ces gens importants qui allaient tout examiner, critiquer et qui feraient un compte rendu plutôt péjoratif de la soirée, ça lui donnait la nausée : pourquoi
s’encombrait-on la vie avec ce genre d’obligations qui ennuyaient tout le monde ? Quand ils avaient crées Technopolis, ils auraient dû aussi penser à supprimer ces petites sauteries
grotesques…mais pour le moment, il n’avait malheureusement pas le choix et il se concentra sur les divers menus que lui proposait le traiteur, un drôle de robot avec une fausse moustache appelé
André.

Début/ Episode précédent / Episode suivant

14 réflexions sur “Episode 3

  1. C’est fait! Et je tiens à dire que pour la première fois de ma vie je n’ai pas tricher pour un preum’s (ouais vas y Gauthier je mets en ligne maintenant va comer!) V’là suis trop fier moi, na!

    J’ai lu parce que je suis faible et que 20 personnes me causent sur msn aussi…

  2. La phrase qui tue:
    « La société était ainsi faite et elle faisait plus d’heureux que toutes celles qui l’ont précédée… »
    Je remarque aussi la déchéance des valeurs morales comme l’amour au travers de la mentalité de Neve.
    Bref, vive le futur. J’aime bien ce cynisme. C’est aujourd’hui, en pire.
    Sinon il y a un bug dans la fenêtre pour ajouter un commentaire, à savoir que les « Votre nom: » et la case pour répondre se chevauchent, en tout cas chez moi.

  3. « y a que 3 épisodes, ça se remonte vite » : avant mon départ en vacance, j’étais à Goliath, donc j’ai un peu plus que 3 épisodes. 😉

  4. j’ai l’impression que ça ressemble plus à une comédie sentimentale britannique qu’à un romant d’anticipation pour l’instant j’espère que ça va bouger.

    sinon à quoi peut bien servir le web alors que l’humanité se résume à une seule ville?

    bisous
    bonne nuit

  5. Salut,sinon tu peux réparer le bin’s sous Firefox en changeant un peu le code source de la page, faut rajouter des   après les balises de « votre nom: » ,..etc

  6. Zut, quel con la balise que je dis est interprétée dans le message, cette balise c’est & n b s p ; sans les espaces bien sûr, elle sert à avoir des espaces insécables, j’ai essayé en en mettant dans le code source et ça marche apparemment, mais bon c’est vrai que c’est pas trop gênant, surtout si ça ne touche que les utilisateurs de Firefox, enfin c’est toujours mieux d’avoir un truc irréprochable parce que la c’est un peu chiant à mon goût .

  7. Moi je connais même pas le html mais la en fait dans le php apparemment pour mettre un espace insécable c’est pareil que le html, enfin bon je vais pas te forcer à bidouiller ton site, mais quand on peut apprendre quelque chose c’est toujours ça de gagné.

  8. Je me pose de petites questions quand meme…
    ***Pourquoi la mere de ce gars voudrait tellement le voir marier à cette fille, si elle ne l’aime pas. Je pensais en lisant le début, que c’était parce qu’elle était de bonne famille, mais alors pourquoi critique-t-elle sa belle fille qui ne veut faire en fait que la meme chose qu’elle en prévoyant le mariage de sa (future) fille?
    Et puis, moi, j’aime bien Neve, j’adore sa façon de mener Ethan à la baguette. Enfin, moi j’ai tendance dans les romans, les films ou les séries à aimer les pestes, elles sont beaucoup moins plates que les douces et gentilles fifilles dans le genre de Mackenzie (cf Les feux de l’Amour) ou Laura Ingalls(cf La petite maison dans la prairie), que tout le monde aime, parce que bonne copine, bonne petite amie, bonne fille, bonne petite fille… bonne tout quoi.
    Son prenom est original,elle est manipulatrice, calculatrice et chiante à souhait. Que demander de plus? Je sais déjà que de tout le roman ce sera ma préférée.

    *** Une critique ou plus un commentaire:
    Je pense aussi que le proloque n’était pas vraiment nécessaire. Je crois qu’il est là pour expliquer la création de Technopolis, mais tout ça aurait pu etre expliquer à travers les propos du narrateur , ou les yeux d’un des personnages (Ethan?Oceany?)

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *