Bon voilà, après avoir stressé comme un(e) malade à imaginer toutes les issues possible du premier rendez-vous, et en particulier les pires, vous voici devant le cinéma à attendre. Le premier sur les lieux a toujours droit à cette angoissante question : et s’il/elle ne venait finalement pas ? Questions subsidiaires pour ceux qui n’ont que très peu fréquenté leur date avant ce rencard : vais-je le/la reconnaitre et/ou est-il/elle aussi bien que dans mon souvenir ?
Vous êtes en attente. L’autre est quelque part dans le métro, sur un Escalator ou un trottoir, sans doute en train de vérifier sa montre en priant pour ne pas être (trop) en retard histoire que celui que l’on rejoint ne confonde pas désinvolture apparente et désintérêt. Pendant ces quelques minutes avant de se retrouver, on espère ne pas avoir eu de coup de chaud faisant naître d’épouvantables auréoles, un épi malicieux ou un bouton caché qui aurait trouvé le moment propice pour faire sa sortie.
Enfin, nos deux prétendants se retrouvent et se font la bise. Il est toujours assez drôle de remarquer la soudaine maladresse des bises des futurs amoureux, comme si cet effleurement de nos lèvres sur la peau de l’autre devenait soudain le point clé de la suite de l’aventure. Souvent, les bouches partent dans le même sens, le rire est gêné et maladroit, le cœur bat un peu plus vite.
La particularité du premier rendez-vous au cinéma est la proximité physique dans un lieu sombre. Pour moi, le cinéma en temps normal se résume à une lutte de territoire avec le voisin inconnu donc hostile. Je tiens à gagner la subtile guerre de l’accoudoir, je pousse des soupirs agacés des que la personne derrière moi file des coups dans mon siège. Le but est de préserver au maximum son espace vital. Avec une personne qui vous plaît, c’est différent. Votre corps se penche subtilement vers lui/elle, la bouche à portée pour un baiser impromptu, la main traînant sur l’accoudoir histoire d’emmêler romantiquement nos doigts. Durant tout le film, votre cœur palpitera au moindre mouvement de l’autre, espérant qu’il/elle est en train de prendre son courage à deux mains pour enfin vous prendre ce premier baiser.
Vous suivez distraitement le film tandis que dans votre tête, ça questionne sec. Puisqu’il/elle ne semble pas prendre l’initiative, dois-je me jeter à l’eau ? Ou souhaite-t-il/elle regarder le film en toute quiétude ? Là, encore, la préservation de l’espace vital qui prévaut en société va vous permettre de jauger la température. Effleurez nonchalamment votre voisin(e), bras contre bras, pour voir la réaction. S’il/elle retire son bras aussi sec, vous êtes très mal parti, autant se contenter de regarder le film. S’il/elle ne fuit pas, c’est déjà plus intéressant, il/elle accepte le contact. Laissez votre bras. Puis approchez un doigt, caressez délicatement la main de votre cible. S’il/elle répond à la caresse en mêlant ses doigts aux vôtres, vous avez gagné, félicitations, vous pouvez tourner la tête pour aller glisser votre langue dans la bouche de votre nouvelle conquête.
Sauf que dans l’histoire d’amour que je vous narre, aucun des deux n’a fait le premier pas, ils sont restés tendus à guetter le moindre geste, la moindre respiration haletante mais rien. Ils ressortent donc de la salle de cinéma, les deux veulent prolonger la soirée mais se demandant comment le proposer, nonchalamment, à la cool, histoire de ne pas mettre la pression. Et l’un d’eux se lance : « j’ai un peu soif, ça te dit d’aller boire un verre ? »
Et ils enchaînent sur le verre post premier rencard, le verre de tous les dangers.
Une réflexion sur “J’ai rencard”