Parce qu’il est des années où presque tout a un sale goût dans la bouche, où tout est irrémédiablement gâché. Où après une double rupture sentimentale et amicale, tu te paies jn voyage en Martinique pour oublier. Voyage que tu ne feras jamais suite à une fracture du tibia. Une année où tes cadeaux de Noël n’arrivent pas à temps mais tu finis par t’en foutre car le 24 décembre, peu avant 10h30, ta grand-mère est morte.
Je me suis toujours demandé qui pouvait avoir cet incroyable malheur de perdre un membre de sa famille à l’aube d’un tel événement familial. Dois-je répondre la vérité à ceux qui me demandent du mon Noël se passe bien ? Quel intérêt de leur dire ? Je n’attends pas de compassion, je ne suis même pas sûre de ce que je ressens. Un mois pour de préparer au pire, ça dissout la douleur et même, le laconique « c’est fini » représente une forme de soulagement. Ça fait mal, ça fait peur mais différemment. Mon corps decompense, j’ai les vertiges d’hypertension et un mal à la mâchoire insupportable. Je flotte, je plane, je regarde mon père nouvellement orphelin répéter qu’il faut continuer les fêtes quoi qu’il arrive. Je suis larguée, je ne suis pas sûre de comprendre.
Ma grand-mère n’est plus. A 92 ans. On ne peut pas avoir de colère, de sentiment d’injustice, c’est l’âge de partir. Maintenant qu’elle n’est plus « Mamie » mais Lise Bartoldi 29-09-19 24-12-11, je me demande qui elle était. Une femme très cultivée, assoiffée de savoirs. De ça, j’ai hérité même si nous n’avions pas les mêmes marottes. Une femme dominatrice, dure, peu affectueuse. Elle vouait un amour insensé pour mon grand-père et je crois que le pire drame de sa vie fut de devenir mère. 3 garçons dont un mort-né, la faute à des rhésus du père et de la mère non compatibles. Ma grand-mère est née 60 ans trop tôt, dans un milieu où épouse devait devenir mère. Je n’ai jamais compris d’où venait son mépris des « petites classes » que je n’ai jamais ressenti chez son frère. Elle a reproché à mon père d’epouser une infirmière, à ma soeur d’epouser un pompier. Elle, elle voulait un médecin, elle l’a eu. Quand j’étais à la clinique, la regardant s’eteindre à petit feu sur son lit, je la regardais comme si je la découvrais pour la première fois. Elle n’était pas gentille, je ne l’appelais quasi jamais mais ça reste la grand-mère.
Et tout se bouscule dans ta tête. Tu te dis que quand tu l’as vue cet été, tu ne pensais pas forcément que ce serait la dernière fois dans ce lieu qui était le sien. Que le prochain sur ton arbre généalogique, c’est désormais mon papa et que ça me terrorise. Que j’ai 31 ans et plus aucun grand-parent . Que la mort t’interroge toujours sur ta propre vie, que tu ne sais plus si tu dois la vivre avec urgence et hystérie ou te calmer vu qu’une vie ne suffira jamais à tout vivre et qu’à quoi bon.
Que tu appelles ta meilleure amie enceinte car tu as envie, besoin de la voir, poser tes mains sur son petit bidon et sentir la vie. Que t’as envie d’aller voir ta cousine jeune maman pour cajoler son bébé et, par audace, gratifier bébé Emma d’un frout frout bidou. Puis te plonger dans l’album de photos du mariage de ta soeur pour te rappeler qu’en 2011, on a aussi été heureux.
Te dire même si c’est pas rationnel que dans quelques jours, le chiffre change et tu revivras. Que la Thaïlande, c’est dans moins de 2 mois, en attendant des plongées en Corse et à Marseille et des vacances familiales en provence. Que tu refuses que la noirceur de l’année passée prenne définitivement possession de toi car tu as les ressources pour rebondir, encore et encore. Et que sans doute que tu finiras par gagner car tu as en toi tout un tas de qualités qui font que. Que la vie est une pute mais que quand on a la santé, un toit, un boulot, un entourage et des idées, on n’as pas le droit de réellement flancher. Mais que par contre, on va s’autoriser une sacrée dose de cynisme.
Ceci étant, que pouvais-je attendre d’une année qui a débuté sur un abcès dentaire ?
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