Je me demande souvent ce qu’est la maturité. Je pense qu’il n’y a pas de réponse type, je l’imagine plus comme une sorte de puzzle, de mosaïque constituée de petites choses, de petits pas en avant. Mais la définition même des pièces du puzzle, leur forme et leur couleur évolue selon l’âge. Je crois que la maturité s’éloigne ou plutôt reste distante de nous car à chaque pas en avant, un autre pas nous attend. Un peu comme un escalier dont on découvrirait à chaque marche qu’il y en a encore une autre.
Quand j’étais ado, la maturité, c’était payer ses impôts. Aujourd’hui que je les paie, ça ne compte plus et quand je les paie, je me dis que ça me console pas de me dire que ça veut dire que je suis indépendante. Mais depuis un an, à peu près, j’ai trouvé une nouvelle pièce, une nouvelle touche dans ma mosaïque de maturité : savoir dire qu’on ne sait pas. Ca peut paraître anodin mais pendant des années, j’ai eu du mal, affirmant que oui, je savais dès qu’on me posait la question, y compris quand je ne savais rien. Ce qui provoquait quelques situations inconfortables où l’on vous pose une question sur ce que vous êtes censée savoir puisque vous avez dit que “si, si, je sais”. Là, on bégaie un “heu…j’ai un trou, merde…”. Bon, hélas, ma maturité étant arrivée un peu avant mon smartphone, j’ai jamais pu répondre : “heu…j’ai un trou… attends, on va regarder sur wikipedia”.
Non, je ne sais pas tout. DIEU MERCI. N’ayant que 31 ans, je me ferais chier durant le reste de ma vie. J’aime apprendre, j’aime qu’on m’initie à de nouvelles choses, qu’on me fasse découvrir de nouvelles données, que ce soit une “révélation” ou juste un détail, une anecdote, un petit quelque chose. Quand j’étais avec l’Amoureux (qui devient désormais l’Ex, il est temps d’écrire officiellement cet état de fait et puis si je continue à l’appeler l’Amoureux, on va plus comprendre si je suis avec quelqu’un ou non), nous avions des univers assez différents. Vous savez, le couple le scientifique et la littéraire. On avait des points communs mais des passions aussi différentes, ce qui nous permettait de partager et j’aimais bien. Je me
souviens d’un épisode précis où il m’expliquait la réaction de Maillard et ça m’a mise en joie parce que j’apprenais un truc. Il y a quelques temps (temps que je ne mesure pas), j’aurais dit que, oui, je savais ce qu’était la réaction de Maillard, “bien sûr!”. Parce que ne pas savoir fut pour moi une honte pendant longtemps, une faille dans le système, un accroc dans mon image de fille intelligente et cultivée. Ce qui créait le sentiment paradoxal d’une imposture. J’ai toujours eu un certain complexe par rapport à ma culture, j’ai toujours eu l’impression de ne rien savoir mais de donner l’illusion de.
Aujourd’hui, je suis bien plus mesurée. J’ai une culture. Je vais me passionner sur un sujet et me renseigner le plus possible dessus. Je vais avoir mes marottes, des Chevaliers de la table ronde à l’univers AB en passant par Moravia et Barjavel, les histoires de terrorisme et d’indépendantisme, une fascination pour les passionarias et les romans d’anticipation… A côté de ça, je n’y connais strictement rien à la culture et à l’histoire espagnole, je n’ai découvert que récemment la loi de Boyle-Mariotte alors qu’elle est essentielle en plongée (j’en connaissais cependant le mécanisme), je suis une merde totale en peinture contemporaine, je ne suis pas sûre de comprendre les règles du golf (mais ça, j’avoue que ça m’intéresse pas trop), je suis une bille totale en botanique et je ne connais que quelques races de chien. Et je ne sais pas reconnaître la plupart des marques de voiture. Et encore, je ne parle que ce qui me vient à l’esprit, imaginez tout ce que je ne sais pas, tout ce dont je ne soupçonne même pas l’existence.
Alors quand on me parle de quelque chose que je ne connais pas, je ne prends plus mon air entendu de “celle qui sait”, j’exprime clairement ma méconnaissance, je pose des questions et, stade ultime de l’achèvement de la pièce du “je ne sais pas”, je suis désormais capable de dire que je ne comprends pas.
Tiens, faudrait d’ailleurs que je me trouve une nouvelle lubie.
la maturité fait référence à un stade de plenitude, d’achevement de cycle, bref de fin de vie quoi…c’est pas très loin du pourrissement en fait… c’est le contraire de la vie, du mouvement, de la recherche perpetuelle, c’est pourquoi je me sens immature peut être, mais vivant (et inversement!!)
Alors, à quand Nina à « Questions pour un champion » ou « Qui veut gagner des millions ? » ?
Je dirais pour ma part que la maturité correspond à la connaissance, oui, mais de soi. Pour reprendre l’image des escaliers, Sri Aurobindo parlait de paliers de conscience, qu’on franchit à chaque avancée dans la découverte de soi.
Gerda Boyesen (http://fr.wikipedia.org/wiki/Psychologie_biodynamique) parlait de soi comme d’un oignon dont on enlève une pelure à chaque pas qu’on fait dans la conscience de qui on est.
Simplement, que ce soit l’escalier, l’oignon, il semble qu’il n’y ait jamais de fin (ou l’illumination ?). Mais quelque part c’est sympa de se dire que le but n’est pas d’arriver, mais de cheminer et de faire des rencontres sur le chemin.
Qu’en penses-tu ?
Y’a rien de plus beau que de combler une ignorance dont on avait même pas conscience!