Je me suis donné un objectif dans la vie : jouer les marieuses. Pourquoi ? J’en sais fichtre rien mais parfois, je vois un homme seul d’un côté, une femme seule de l’autre (ou un homme et un homme, une femme et une femme, l’hétérosexualité n’est pas une fatalité) et j’ai la sensation que ça va faire des étincelles. J’aime faire le bonheur des autres… Enfin, sauf que la plupart du temps, j’échoue.
Ma vocation de marieuse est née en 1996, en décembre, très précisément. Ma meilleure amie de l’époque, Cécile, avait craqué pour un garçon, Bruno. Au mois de juin, un ami de Bruno était allé voir Cécile pour lui apprendre que son pote la trouvait très très jolie mais à l’époque, Cécile était in love d’un Italien. L’été étant passé et ses amours italiennes concrétisées puis terminées, Cécile se dit que Bruno n’était pas si mal. Mais il ne se passait rien de rien, on se contentait de le suivre dans la rue (on adorait ça, suivre les garçons). Un
jour, Bruno vint me parler « Et, salut, tu connais Cé… » je m’arrête de respirer « line Lemoine ? Elle a oublié son équerre. » Je récupère l’équerre en lui adressant mon plus grand sourire invitant poursuivre la conversation mais il s’en va. Cécile fut profondément jalouse de cette brève entrevue. Agacée d’observer cet immobilisme, je suis intervenue. Bruno était très ami avec une de nos copines, Elodie, j’ai donc décidé de parler à Elodie « Tu sais, Cécile, elle aime bien Bruno, tu devrais lui dire ». Ce qu’elle fit. Et rien. Cécile était très fâchée par mon intervention mais on continuait à le suivre, découvrant qu’il achetait un stylo féminin aux Nouvelles Galeries « Rah, il a une copine ! » « Mais non, je suis sûre que c’est pour sa petite soeur ». Arrive le dernier vendredi avant les vacances de Noël, nous étions sorties à 16h et nous traînassions au marché de Noël. Soudain, je vois Bruno qui tourne et vire dans nos parages. « Tu peux partir Cécile, lui
dis-je, ma mère ne va pas tarder à arriver. » « Tu veux pas que j’attende avec toi? » « Non, non, c’est bon… On se voit ce soir au repas de Noël de la classe ». A peine étais-je sortie du tableau que Bruno aborda Cécile et lui offrit le fameux stylo. Aux dernières nouvelles (fin 2005), ils vivaient ensemble. Trop forte, non ? Pour l’anecdote, il semble que j’ai d’abord été facteur de ralentissement dans cette histoire car Bruno avait peur… de moi. Moi aussi, ça me fait hurler de rire. Apparemment, il pensait que j’étais une grosse prétentieuse connasse hautaine qui allait se foutre de sa gueule. Puis après l’histoire de l’équerre, il avait décrété : « Non mais elle a l’air sympa finalement ». Ben oui, tiens, je t’ai un peu changé la vie quand même.
Depuis, je tente de réitérer l’exploit. Et j’échoue systématiquement. Dernier exemple en date : je voulais coller un pote de la plongée, Thibault à une de mes stagiaires, Charlotte. Ils ont le même âge, Thibault est un garçon bien, doux, bonne situation, mignon, Lauren est super belle, douce, intelligente, rigoureuse dans son travail. Alors que je commençais déjà à m’imaginer être la marraine de leur premier rejeton, terrible coup de poignard dans mes illusions : sur mon Facebook, je vois apparaître : « Charlotte est désormais en couple avec Bruno » (pas le même que celui de Cécile, là, ça aurait été un tsunami d’amertume et de désillusion). Mais d’où elle se remet avec son ex ? D’où elle brise mes illusions ? Ok, j’en étais encore à « tiens, faudrait que j’arrive à les présenter l’un à l’autre » mais quand même quoi ! Bon, il me reste une autre stagiaire de dispo, très très jolie aussi mais un peu plus bohème, ça me paraît moins idyllique mais à voir. Ceci étant, physiquement, je crois qu’elle sera plus son style… Mais bon, on a encore cassé mon couple idyllique. Un peu comme Anaïs que je voulais coller avec un de mes exs mais vu que j’ai un peu rebutiné le monsieur, j’ose plus. Mais sinon pour Thibault, il y a une autre fille de la plongée que j’ai appris à connaître ce week-end et qui est super mais je crois qu’elle a un peu tenté mais vu qu’il n’a pas réagi, elle a laissé tomber.
Et puis il y a les erreurs d’appréciation. De façon générale, je perçois bien les gens, en positif comme en négatif, mais parfois, je me trompe et souvent au bénéfice de la personne. Mon bisounoursisme est solidement installé. Du coup, parfois, je me dis « il/elle est quelqu’un de bien, je pourrais le coller avec telle personne ». Et là, patatrac, c’est la cata. Le mec ou la fille bien se révèle être un psychopathe paranoïaque, un mythomane, un pervers narcissique, autre, rayez la mention inutile. Et là, je vous dis pas la lose quand il est l’heure de faire le SAV. Parce qu’un tel échec vous culpabilise. Avec de la chance, les choses ne sont pas allées loin mais s’il y a eu concrétisation avec naissance d’une certaine affection (cf mon échelle des sentiments), là, on se sent super mal. Je veux dire qu’on a conscience qu’on prend un risque que ça ne marche pas mais si ça foire parce que celui qu’on a conseillé est un sale connard (ou une sombre connasse), c’est un petit peu gênant.
Peut-être qu’en fait, il faut laisser faire les choses, arrêter de vouloir rendre les gens heureux limite malgré eux (certains ne demandent pas qu’on les rencarde). J’essaie aussi de coopter les gens au niveau professionnel mais ça marche pas non plus. Bon, je vous laisse, je vais retrouver la fée qui m’a filé des dons pourris (casser les appareils électriques, dérégler les boussoles, attirer la lose quoi que je fasse) pour lui refaire le dentier.
Mmh … Honnêtement, vouloir jouer les marieuses … C’est rude :p
En fait, tu as TRES mal interprété l’histoire de Cécile et Bruno !! 🙂
Ce n’est pas parce que le destin voulait que tu joues les marieuses, mais AU CONTRAIRE le destin voulait te montrer que quand tu t’en mêles pas ça fonctionne 😉
Je trouve que dérégler les boussoles, ce n’est pas mal comme pouvoir…
« certains ne demandent pas qu’on les rencarde »
> Oui, tout à fait. Moi, par exemple. Et une collègue a évoqué il y a quelques semaines, l’occasion de me présenter une de ses meilleures amies, et j’ai pas pu dire non de manière crédible. Alors deux options se présentent à moi:
1/Jouer le rôle du parfait connard: mais attention, ça peut aussi marcher (cf. ton article « star »).
2/Être naturel (oui, ça peut aussi être la même chose que 1/, ça dépend des points de vue) puis expliquer ne pas être intéressé, mais va falloir être fort, sauf si elle est moche.
Bref, mon tact s’explique par le risque de vexer ma collègue car elle est peut être comme ces gens en couple qui pensent devoir sauver l’humanité de l’enfer du célibat.
J’imagine que d’être « à l’origine d’un couple », ça fait plaisir. A toi comme au couple en question.
Mais ne penses-tu pas que ton propre bien-être (amoureux, sexuel, professionnel ou familial) passe avant tout ça?
Ceci étant, cet article me rappelle tellement tout ce que tu m’as raconter sur tes histoires de faiseuses de couple. Alors forcément, je ris!
Vas-y, fais péter la stagiaire !