Juan porta la main à son masque qui le gênait et l’ôter, mais il fut retenu par une main virile. Il ne fit pas attention à cette personne, il ne pensait plus à rien sauf à sa sœur enfermée dans une
cage, à la merci d’Oxford.
« Il faut partir, lui annonça une voix masculine.
– Pas question, je ne peux pas la laisser là.
– Juan, tu ne peux rien faire. »
Il tourna la tête et vit Ethan qui paraissait réellement inquiet, mais il ne pouvait laisser sa sœur là, ils allaient lui faire du mal, il devait la sauver.
« Il faut la sauver !
– Tu ne peux pas l’approcher et s’ils t’attrapent, ils vont te tuer aussi.
– Ils veulent donc la tuer ? Je ne peux pas laisser faire ça !
– On ne peut rien faire, Juan ! intervint Mai qui venait de les rejoindre en compagnie des deux autres. Il faut partir d’ici.
– Non ! cria-t-il, mais personne ne réagit, trop fasciné par ce qu’il se passait sur scène.
– Juan ne fait pas l’idiot.
– Laissez-moi, je…c’est ma sœur, dit-il, la voix brisée.
– Je suis désolée Juan, fit Kirstie, je sais que c’est dur de voir mourir ce que l’on aime, mais dis-toi qu’on la vengera. Partons, maintenant.
– Non, je veux rester jusqu’au bout, je vais prier pour elle, jusqu’à…jusqu’à ce qu’elle soit…
– D’accord, acquiesça Ethan, mais après, filez le plus vite possible. »
Maria regarda la salle mais elle ne put rien distinguer, les spots l’aveuglaient. Sa vie allait donc s’achever là, devant tous ces inconnus qu’elle méprisait plus que tout,
devant la garce blonde qui n’était pas sur la scène, ce qui l’étonna. Devant Oceany qui n’avait pas un si mauvais fond, à bien y réfléchir. Mais sans Juan, son frère, le seul membre de sa famille,
le seul qu’elle avait aimé plus qu’elle.
L’homme de main d’Oxford s’approcha de la cage et ouvrit la porte. Elle se tassa vers le fond, pour tenter de lui échapper, mais elle était totalement impuissante, tout effort de résistance serait
réduit à néant. Un robot entra dans la cage et lui passa des menottes, avant de la pousser à l’extérieur de son abri. Elle se retrouva ainsi sur scène, attraction pathétique d’un spectacle qui
l’était tout autant : comment l’homme pouvait-il prendre du plaisir à voir un des siens mourir ? Elle ne le comprendrait plus jamais, tout comme ces dizaines de questions qu’elle n’aurait plus le
temps de se poser. Au moins, la mort lui apporterait la paix. Là-haut, il n’y avait pas d’élitaires ou d’exclus, tout le monde était l’égal de l’autre.
Les robots la soulevèrent et la couchèrent sur une planche en bois, plaçant sa tête sous la lame qui étincelait, menaçante. A présent, ses larmes lui brouillaient la vue, elle ne distinguait plus
rien, ce n’était peut-être pas plus mal, elle ne voulait pas avoir les idées claires, c’était trop dur. Cependant, elle avait un dernier message à passer.
« Vous allez tous crever, j’ai mis des bombes à retardement dans les piliers, ça va pas tarder à vous exploser à la figure, c’est bien fait, je vous hais tous, vous ne voyez pas plus loin que le
bout de votre nez, vous ne voyez pas le malheur de ceux qui vous sont inférieurs, vous ne voyez pas que vous êtes esclave de cet enfoiré d’Oxford et de sa salope de femme.
– Et bien, en voilà une demoiselle bavarde, je suis obligé de lui couper la parole, en attendant de lui couper la tête. »
Oxford sembla très satisfait de son sinistre jeu de mots, puis il disserta pendant deux minutes sur la répression qu’il était obligé de mettre en place et sur la paix qui allait bientôt régner dans
cette ville dont il était l’heureux maire.
Oceany sentit une larme couler sur sa joue et elle s’empressa de la cacher derrière son masque, pour éviter qu’on puisse la voir, ça pourrait paraître suspect. Elle prit Oliver dans ses bras et le
força à regarder le mur de l’autre côté, pour qu’il ne puisse pas voir la scène, ce qui ne sembla pas le déranger. Il était fatigué et elle le sentait s’endormir dans ses bras. Elle se mit à
pleurer un peu plus fort, ne pouvant s’arrêter et elle sentit soudain une main sur son épaule. Elle se retourna et vit Ethan, anormalement pâle, visiblement aussi bouleversé qu’elle. Sans rien lui
demander, il prit le petit garçon dans ses bras et resta près de sa maîtresse. Elle avait besoin de sa présence, elle avait du mal à rester stoïque, elle devait se sentir fautive.
Oxford termina son discours, puis fit signe aux robots qui défirent le nœud qui retenait la corde à laquelle était attachée la lame, puis après le roulement de tambour, ils lâchèrent tout. En deux
secondes, tout était terminé mais Oceany crut que ça avait duré une éternité et manqua de s’évanouir sous le choc. Le public resta un instant silencieux et se mit à applaudir à tout rompre, heureux
de ce spectacle : étaient-ils donc tous fous ? Maria était morte et ils étaient heureux, mais quels monstres étaient-ils ? Elle avait envie de prendre ses jambes à son cou et de fuir loin d’eux,
mais elle ne pouvait pas, ça la trahirait à coup sûr.
Les lumières se rallumèrent et Mark se précipita vers elle ; heureusement, grâce à son masque, il n’avait pas vu qu’elle avait pleuré.
« Mon père m’avait prédit une belle surprise mais je ne m’attendais pas à ça.
– Moi non plus.
– J’espère que ça vous a plu. J’ai trouvé ça vraiment bien.
– Vous êtes sérieux ?
– Bien sûr ! Vous n’avez pas aimé ?
– Comment pourrais-je aimer voir la mort de quelqu’un devant mes yeux ? Vous croyez que je n’en ai pas assez vu pendant la guerre ? Je trouve ça horrible, je ne comprends pas que ça puisse vous
réjouir, je suis très déçue. Je vais rentrer chez moi, Oliver ne tient plus debout.
– Mais Oceany, ce sont nos fiançailles.
– Et alors ? Je n’ai plus envie de rester. »
Ethan embrassa tendrement l’épaule de sa compagne mais il sentit bien qu’elle était ailleurs. Sans doute repensait-elle aux événements de la soirée, ça l’avait profondément
secouée.
« Arrête de te ressasser tout ça, ça ne sert à rien et ça te fait du mal.
– Je n’ai rien pu faire pour la sauver, répondit-elle d’une voix chevrotante. J’ai été trop faible, je suis incapable de lutter contre lui.
– Tu n’aurais rien pu faire de toute façon, tu me l’as dit toi-même.
– J’aurais dû essayer.
– Pour quoi faire ? Pour te faire guillotiner à ton tour ? Trop de gens ont besoin de toi, ça aurait été tellement bête…
– Tout est de ma faute, c’est moi qui l’ai tuée.
– Tu dis n’importe quoi.
– Si je ne m’étais pas disputée avec elle, elle ne serait pas partie et elle ne serait pas morte, c’est tout. Je me sens tellement responsable, et que va dire Juan ?
– Il sait aussi bien que moi que tu n’y es pour rien. Arrête de te torturer, s’il te plaît.
– Et tous ces gens qui ont applaudi, qui ont…Seigneur, ne ressentent-ils donc plus rien ? Qu’est ce qu’il se passe ?
– Je n’en sais rien, ils n’ont pas vu les choses de la même façon que nous, ils ne connaissaient pas Maria, ils…
– Mais c’est monstrueux d’applaudir la mort d’un autre, c’est révoltant. Comment Oxford fait-il pour être toujours aussi plébiscité, ça m’échappe. Je te jure qu’il va le payer, il ne peut pas s’en
tirer comme ça.
– Ne fais pas n’importe quoi.
– Ne t’en fais pas, je ne veux pas le rater, ni sa chère épouse, je crois qu’elle est encore pire que lui. Je ne sais pas encore ce que je vais faire, mais ça ne restera pas impuni, je suis prête à
tout pour ça. Déjà, je vais rompre mes fiançailles avec Mark, je ne veux pas rester avec lui. Il est aussi cruel que son père, je le déteste.
– C’est la pire des choses à faire. Kelly t’a à l’œil, il faut que tu rentres dans ses bonnes grâces et c’est pas comme ça que tu vas y arriver.
– Je sais, mais je peux vraiment pas. Il s’est réjoui de voir Maria mourir, rien que pour ça, je ne supporterai plus qu’il m’approche.
– Chut, arrête, maintenant, tu as besoin de te reposer. Laisse tomber toutes ces idées de vengeance, on verra tout ça demain. »
Il l’enserra tendrement et l’embrassa dans le cou, mais ça n’eut pas l’effet souhaité, elle resta totalement inerte, continuant à ruminer ses idées noires.
« Maintenant, j’en suis sûre, elle s’est trahie ! »
Bryan leva les yeux et regarda Kelly qui tournait en rond dans la salle, d’un air triomphant. Ils avaient dû dormir à peine quelques heures à cause de la réception et elle semblait en pleine forme.
Comment faisait-elle ?
« De quoi parles-tu ? demanda-t-il.
– De quoi je parle ? Mais enfin, tu dors ou quoi ? D’Oceany ! Tu aurais vu sa tête quand vous avez exécuté Anna !
– Maria.
– Peu importe ! Elle n’a pas voulu rester avec moi pour ne pas me montrer son émotion, mais je ne suis pas dupe. Maintenant, je sais que c’est elle, l’élitaire qui fait partie des rebelles, mais je
n’ai pas de preuves, ça m’agace. Alors… j’aurais besoin de toi.
– Qu’est ce que tu veux que je fasse ? Je ne vois pas comment t’apporter ces preuves !
– Envoie-lui des messages subliminaux lui intimant l’ordre de se rendre, c’est pas plus difficile que ça.
– En fait, si, il y a un gros problème. Elle ne se sert quasiment plus de son ordinateur, je ne vois pas comment je pourrais lui envoyer des messages sans ça.
– Merde ! Mais comment ça se fait ? On ne peut rien faire sans ordinateur !
– La preuve que si.
– Je vais trouver une solution, je n’ai pas le choix. En attendant, surveille-la de près, je veux tout savoir.
– Je ferai mon possible mais si elle ne se sert pas de son PC, c’est impossible.
– Débrouille-toi, c’est tout. »
Elle quitta la pièce, énervée. Mais pourquoi tenait-elle tant à éliminer Oceany, ça n’avait aucun sens. Bien sûr, elle souhaitait étouffer tous signes de résistance, c’était tout à fait
compréhensible. Mais rien ne pouvait permettre d’accuser Oceany et cet acharnement le dérangeait. Il était bien décidé à savoir ce qu’il se cachait derrière tout ça.
Mark se retourna et fut surpris de découvrir sa belle-mère juste derrière lui. Comment était-elle arrivée ici sans se faire remarquer ? De toute façon, elle n’avait rien à
faire à la mairie, il n’aimait pas la voir traîner par-là. Elle semblait cacher des choses et il ne serait pas surpris d’apprendre qu’elle faisait partie des rebelles et que c’était elle qui avait
aidé Kirstie à s’enfuir.
Elle s’avança vers lui et sourit :
« Bonjour, Mark, bien dormi ?
– Pas vraiment : je me suis fâché avec Oceany.
– Quoi ?
– Elle n’a pas du tout apprécié le spectacle, elle a trouvé ça atroce et elle est partie avant la fin de la soirée. J’avais vraiment l’air idiot, après.
– C’est une jeune fille très étrange, tu ne trouves pas ? Je me demande si elle ne cache pas quelque chose.
– Bien sûr que si, et je sais très bien de quoi il s’agit, il faudrait être aveugle pour ne pas s’en apercevoir.
– Je n’ai rien remarqué, moi.
– Enfin, c’est évident : elle a une liaison avec Wadeker.
– Hein ?
– Ils ne se sont pas quittés de la soirée ou presque et c’est avec lui qu’elle est partie, c’est à lui qu’elle a confié son frère, c’est lui qu’elle regardait tout le temps…mais qu’est ce qu’il a
de plus que moi ? C’est un nul, un moins que rien ! Je suis supérieur à lui, je ne comprends vraiment pas.
– Tu te fais peut-être des idées.
– Arrête, je suis pas idiot, je sais ce que je dis. Mais c’est pas grave : c’est moi qu’elle va épouser et je te jure qu’elle va l’oublier, ce minable.
– Je n’en doute pas.
– Bon, je dois aller voir papa, il veut me dire un truc et tu sais qu’il n’aime pas le retard.
– Bien, de mon côté, je vais rentrer. »
Le jeune homme repartit en la laissant seule. Il lui avait donné une information très intéressante, elle pourrait peut-être s’en servir pour neutraliser Oceany.
suivant
Et bien c’est de plus en plus interessant … par simple curiosité il y a combien d’episode en tout ?
A propros de téchnopole, pour prendre un peu le contre-pied du ton style romancé 🙂
http://grenoble.indymedia.org/index.php?page=edito&numero=5
mais je reste plus nuancé. Tout déjà l’usage que l’on fait. Vive le petit monde quantique.
Sinon les robotos sont-ils les vainqueurs après soixante épisodes ?